Voila un résumé du second livre du Docteur Edmond Binhas sur la gestion du cabinet dentaire. (le résumé du premier livre sur la gestion du cabinet dentaire)
En un an, la profession s’est métamorphosée, amenant isolement, confusion et sentiment d’impuissance. Plus que jamais, il faut se méfier des solutions toutes faites, de la technophilie ou, pire, de la politique de l’autruche. Pour nous, « c’est quand il fait beau qu’on doit réparer le toit ». Il faut se méfier des faux diagnostics (ils conduisent à de mauvaises décisions) mais aussi des mauvaises décisions nées de bons diagnostics. Cet ouvrage vise à préparer les praticiens aux défis à venir, compléter la formation clinique et être utilisable par l’ensemble des équipes dentaires.
Depuis le tome 1, l’environnement, les patients, la démographie professionnelle, les assistantes et le système de santé ont changé. Il faut s’adapter («Il n’y a plus que deux types de dentistes : les rapides et les morts», Dr Cary Gantz), et pour cela être encore plus professionnel (se former continuellement), gérer son cabinet sur des systèmes et non pas sur des personnes et développer largement la qualité du service ainsi que la communication de haut niveau.
Il faut adapter ses honoraires aux nouvelles compétences acquises, proposer traitements et services à forte valeur ajoutée (le bénéfice moyen baissant). Plus que jamais, la « Flexigestion » est de mise : « Quand vous changez la façon dont vous regardez les choses, les choses que vous regardez changent ».
Il faut se demander ce qui nous pousserait à  changer nos habitudes de travail. Si notre perception est notre réalité, notre attitude (c’est-à -dire notre façon spécifique de considérer les choses) est un choix. Il faut faire un recadrage avec les mots (apprendre à dire « non », dire « dès lundi » plutôt que « pas avant vendredi », « comment puis-je ? » plutôt que « je ne peux pas »…). Pour être convaincant, il faut être convaincu. Il faut aussi faire un recadrage de sens : considérer les échecs comme des apprentissages qui nous rapprochent du succès (cf anecdote de Thomas Edison et de son ampoule), éliminer les excuses et résoudre les conflits intérieurs (du type « je n’ai pas le temps », « je vais perdre mon identité », « je dois d’abord faire ceci ou cela… »).
Il faut identifier les croyances limitantes (exemple : « J’ai déjà tout essayé, ça ne marche pas ») et installer de nouvelles croyances productives (« c’est réalisable », « j’en suis capable », « je le désire », « je le veux »). Ce n’est qu’en se donnant les moyens d’atteindre ses objectifs qu’on peut les atteindre. Le changement de croyances peut arriver en un instant.
Il faut faire reposer son cabinet sur des systèmes et pas sur des personnes : nous ne sommes pas notre cabinet. Les 7 systèmes d’un cabinet dentaire sont l’organisation clinique et paraclinique (1), la gestion financière prévisionnelle (2), la gestion rationnelle des rendez-vous (3), une politique d’encaissements efficace (4), la première consultation et la présentation des plans de traitement (5), la cohésion et la motivation de l’équipe (6), la communication interne et externe (qualité du service) (7). 1 et 2 ont été étudiés dans le tome 1. 3, 4, 5, 6 et 7 sont l’objet de ce volume 2.
Il s’agit de tenir un « Manuel du cabinet » dans lequel on écrit ce que l’on fait, sous forme de checks-lists, de règles, de scripts et de documents-types, et de pratique de la « Flexigestion ».
Partie 1 : les systèmes organisationnels techniques
1. Gestion du temps et des rendez-vous
D’un côté les patients veulent tout tout de suite, de l’autre les praticiens ne veulent pas être esclaves de leur cabinet. Ce dilemme n’est pas spécifique à la dentisterie.
Il ne faut pas travailler plus, mais mieux. Il faut définir sa « COP » (Capacité optimale de production : chaque heure doit vous voir à votre maximum de production). Pour ne pas travailler plus, il faut augmenter sa production horaire et pour cela distinguer les activités où il faut être plus rapide de celles dans lesquelles au contraire il faut investir du temps.
Pour gagner en vitesse, il faut se former et s’aider des progrès techniques. Sont nécessaires une bonne conception architecturale, l’ergonomie, un travail sur deux fauteuils, à 4 mains, avec des bacs et cassettes, une bonne organisation administrative, la gestion de l’impatience des patients, du téléphone (3 lignes minimum par praticien pour gérer le pic d’appels entre 12 et 13h, répondre à la troisième sonnerie) et la réalisation rapide des travaux de prothèse.
Il faut distinguer temps inutilement perdu et « temps improductif investi ». Ce dernier comprend la première consultation (40 mn maximum, sauf exeptions ; plus on a de nouveaux patients par mois, plus cette consultation doit être courte), les réunions (quotidiennes et mensuelles).
Les meilleurs cabinets étant ceux qui réalisent le plus de traitements complets sur le moins de patients, il faut réaliser l’exposé du plan de traitement lors de la deuxième consultation. Une bonne présentation de cas n’excède pas 45 minutes. Le praticien doit se garder de trop parler et laisser le patient poser des questions.
Les réunions, qui visent à optimiser l’efficacité relationnelle, doivent entrer dans une « routine ». Les quotidiennes gèrent la journée qui commence, les mensuelles visent à l’amélioration du cabinet à moyen terme et à la stratégie.
La gestion du carnet de rendez-vous est très chronophage (3 à 6 mois même avec un consultant-formateur), mais c’est le système qui influe le plus sur l’efficacité. Mettre les rendez-vous les uns après les autres ne convient pas. Seule une bonne gestion des rendez-vous permet d’augmenter jusqu’à 20% la productivité.
Le carnet hebdomadaire papier découpé en unités de temps d’un quart d’heure ou d’une demi-heure est dépassé. Un agenda jour par jour découpé en unités de temps de dix minutes est préférable. La gestion des urgences au téléphone est importante : il faut notamment, tout en montrant sa sollicitude, proposer au patient une horaire qui ne mette pas en péril le planning. Il ne faut surtout pas se plier aux désirs du patient.
En cas de surabondance de patients, il faut rationaliser l’organisation existante (revoir le rôle de l’assistante par exemple) et éventuellement développer la structure (installation d’un deuxième fauteuil, recrutement d’une assistante ou d’un collaborateur, transfert des locaux…).
Mais « se sentir mieux » passe aussi par la proactivité : il ne faut pas se contenter de réagir aux événements. Temps réel et temps mental sont deux choses différentes. Plus on a de temps pour accomplir un travail, plus on en prend. Attention aux facteurs chronophages externes (émanant de notre environnement) et internes (attitude mentale négative ; il faut parfois dire « non », non à un demandeur, mais à une demande).
L’ennemi numéro un est la procrastination. On la combat en créant un sens de l’urgence. L’important n’est pas de travailler plus (en regardant sa montre) mais mieux (en suivant sa boussole) : « L’urgent c’est la montre, l’important c’est la boussole ». Plus l’urgence a de place, moins il en reste pour l’important.
Les voleurs de temps externes sont les interruptions (téléphone, visiteurs…), les retards de patients, le manque ou le trop-plein de personnel, la mauvaise communication ou circulation de l’information, les problèmes avec les prothésistes ou avec la logistique informatique (télé-transmission). Les voleurs de temps internes sont la procrastination, l’absence ou la confusion des objectifs, la mauvaise estimation de la durée des actes à réaliser, du temps de rendez-vous, l’incapacité à déléguer, à dire « non », le stress, les problèmes personnels, le perfectionnisme.
Rappelons pour conclure les deux notions essentielles : le « temps productif investi » et le lien entre la façon dont on gère le carnet de rendez-vous, le niveau de stress, le chiffre d’affaire et le bénéfice annuel.
2. Politique financière du cabinet et rapport à l’argent
Praticien, patient, Sécurité sociale, mutuelles et assurances privées sont les 4 acteurs.
De nombreux praticiens ont un mauvais rapport à l’argent (perçu comme impur, à cause du serment d’Hippocrate, de la vision française de l’argent –taboue- et du système de santé –qui rembourse les soins dentaires à des niveaux ridicules- et du manque d’attention au patient), alors qu’un cabinet dentaire est bel et bien une entreprise. Il ne faut pas brader ses standards cliniques, ni réduire la qualité des traitements, ni devenir frustré, mais s’adapter et l’accepter.
Les honoraires (abordables, raisonnables et honnêtes, et dont le praticien doit être fier) doivent être affichés, mais les patients doivent payer en temps et en heure. Rappel : seule compte la valeur perçue par le patient.
Il faut augmenter ses honoraires une à deux fois par an, pour suivre l’augmentation des coûts. Pour inspirer confiance dans ses honoraires, il faut continuellement éduquer les patients, assurer la confidentialité des discussions, donner des devis complets et détaillés (encourager les questions), proposer un éventail de possibilités de paiement, annoncer soi-même ses honora ires en face (mais sans les détailler) et ne jamais plaisanter avec l’argent (en la matière, l’humour est proscrit).
Pour fixer ses honoraires, il faut prendre pour références le serment d’Hippocrate, le code de déontologie, la nomenclature, sa zone de chalandise, c’est-à -dire la zone géographique d’influence d’un cabinet d’où provient la majorité de la patientèle. Cette zone peut être isométrique (basée sur la distance) ou isochrone (basée sur le temps de parcours pour se rendre au cabinet). Il faut bien connaître son environnement et calculer les honoraires au plus juste. Les honoraires doivent donner au praticien les moyens d’être à la pointe des avancées cliniques pour les patients (qui en général sont prêts à payer pour la qualité).
Il faut définir une politique financière (moyens et modalités de paiement) et l’afficher en salle d’attente. Les acomptes doivent être systématiques (règle générale : 40% en début de traitement, 30% au milieu, 30% à la fin) et les paiements étalés sur 3 mois maximum après la fin des soins. On peut aussi proposer d’étaler ou de fractionner le traitement.
Toute l’équipe doit être impliquée. Le patient apprécie sur les questions financières une approche directe. Mais pour une question d’image, ce n’est pas le praticien lui-même qui doit gérer les problèmes de paiement avec les patients.
Il faut informer avant de soigner, proposer des ententes financières adaptées et relancer (deux fois par téléphone, une fois par courrier) les impayés, avant le cas échéant de transférer le dossier à un organisme de contentieux.
La fuite en avant (le mercantilisme) comme le fait de proposer des traitement complexes alors que l’on en n’a pas la maîtrise technique sont deux dérapages à éviter.
Partie 2 : les systèmes humains
3. La communication
Elle est fondamentale. Communiquer, c’est « mettre en commun », échanger des signaux. Emetteur et récepteur (entre lesquels existe une « boucle de rétroaction », ou « feedback », qui signe la réciprocité) doivent avoir le même code.
Au niveau de la communication verbale, le praticien doit adapter son langage : adaptation du registre de langue, utilisation de la reformulation, empathie.
En Occident, l’impact d’un message se fait à 55% par la communication non verbale (tenue, maquillage, gestes, silences, mimiques…), à 38% par la voix et seulement à 7% par la communication verbale.
Une bonne communication professionnelle commence par un matériel collatéral (identité, papier à lettres, brochures, fiches d’information, triptyques, photos avant/après…) récent et d’apparence professionnelle. L’éducation du patient (souvent hélas incapable de juger de la qualité clinique des traitements) passe par la communication écrite. La crédibilité passe par une image professionnelle appropriée.
Il faut rester en contact avec ses patients, par exemple via un petit carton de correspondance en remerciement d’un patient adressé (le patient adressé étant le patient le plus motivé, le plus disposé à accepter les traitements, le plus confiant et le plus disposé à vous adresser à son tour d’autres patients).
La maîtrise de l’image du cabinet et l’impact majeur de la qualité du service pour attirer les patients qualifiés et prêts à accepter les traitements sont les deux idées- clés d’une bonne communicaton écrite. Le retour sur investissement peut être considérable. Il faut développer une identité visuelle, c’est-à -dire une matière, une texture, une typographie, une couleur pour (entre autres) la plaque, la signalétique et les badges, les ordonnances, les cartons de rendez-vous, les devis, ententes financières et factures, les dossiers, brochures, packages de bienvenue, les fiches de conseils et d’information, les devis, les courriers, enveloppes, cartes de correspondances et de visite, la newletter du cabinet, le tampon…
Confiance et implication du patient dans les traitements concourrent à la fidélisation de celui-ci. La satisfaction du patient provient de la différence entre qualité de service attendue et qualité de travail perçue. Selon nous, la qualité provient de la correspondance aux attentes (le patient est juge). Pour être satisfait, le patient doit voir le service dépasser (et non seulement satisfaire) ses attentes.
La sympathie (fait de partager les sentiments et le point de vue de l’autre) n’est pas l’empathie (capacité à entrer dans l’univers de l’autre pour comprendre et ressentir les choses de son point de vue. Par exemple, un praticien ne partage pas la « peur du dentiste » avec son patient (ce serait la sympathie), mais il peut la comprendre (c’est l’empathie). Pour entrer en empathie, il faut écouter plutôt que parler.
Après avoir écouté le patient, il faut l’informer au mieux (diagnostic, risques du non-traitement, risques liés au traitement…).
La confiance se construit selon une logique analytique (objectivation des événements du passé) et systémique (interactions et émotions ressenties). L’implication quant à elle recouvre le partage du sens (il faut répondre explicitement aux questions du patient) et la mobilisation (le patient doit avoir une hygiène bucco-dentaire irréprochable).
4. Quel management pour votre Ă©quipe ?
Le management est la plus difficile des tâches non-cliniques, car c’est une affaire d’individus. Ce chapitre ne sera pas exhaustif.
Le praticien a un double rĂ´le : il est leader et manager.
Le manager ne choisit pas ses objectifs (ils lui sont imposés), il fait des compromis et a des choix limités, il est détaché, secret et parfois manipulateur. C’est l’élément-clé de l’organisation, dont il doit consolider la solidité. Il détermine l’organisation à mettre en place et fait fonctionner le cabinet, via un axe d’organisation et un axe de relation. Selon que l’un des axes (organisationnel ou relationnel) est notre « fort » ou notre « faible », on peut s’évaluer. Les problèmes d’organisation non clarifiés et la précipitation sont les principaux ennemis.
Le leader change la façon de penser de ses collaborateurs vis-à -vis des opportunités, propose de nouvelles options, a des rapports directs avec les autres, dont il se sent séparé. Il essaie de concilier les rapports humains et économiques. Le leader doit accepter les nouveaux rôles de la profession, se mettre en méta- position (prendre du recul par rapport à une action), établir un projet motivant et une philosophie de travail (« Que voulons-nous créer ? », « Pourquoi ? » et « Comment ? »).
Pour constituer une équipe efficace, il faut (étape 1) consigner l’organisation par écrit et préciser clairement qui fait quoi (par exemple dans un « Manuel du cabinet » comprenant règlement intérieur, organigramme, scripts, checks-lists et descriptions de poste –horaires, fonctions, tâches).
Il faut ensuite (étape 2) recruter, c’est-à -dire (préalable) accepter d’être employeur, passer une annonce positive et motivante, effectuer une sélection via trois entretiens (dont une présélection téléphonique), des tests, une journée d’observation (au moindre doute, ne pas embaucher).
Il faut aussi (étape 3) intégrer (80% des échecs de recrutement viennent d’une mauvaise période d’intégration) et former. L’assistante doit comprendre rapidement la tâche demandée. L’intelligence pratique prime sur les diplômes. Un plan d’intégration personnalisé et reposant sur l’engagement complet et la disponibilité des différents acteurs est nécessaire. Il permet de prendre la bonne décision à partir d’éléments factuels sur la validation ou non de la période d’essai, de motiver le salarié (qui saura ce que l’on attend de lui) et de l’intégrer par paliers.
Il faut enfin (étape 4) déléguer intelligemment (planifier la délégation, clarifier la tâche à déléguer et contrôler le travail effectué).
Le maintien de la mobilisation est important. Il faut favoriser les meilleurs éléments et pour cela exprimer sa reconnaissance, communiquer efficacement, donner un salaire gratifiant, offrir un environnement moderne, viser un haut niveau clinique et se former en permanence. Quand le licenciementest nécessaire, il doit se faire en tête-à -tête. Il faut exprimer clairement les licenciement, ses motifs, sa date et son processus.
Pour prévenir les conflits, il faut établir puis maintenir la confiance, éviter les non- dits, pointer les comportements plutôt que les personnes et commencer ses phrases par « je » (dire « j’ai un problème, il n’y a plus d’alginate dans le stock » plutôt que « vous avez un problème, il n’y a plus d’alginate dans le stock »).
5. Qualité de service en dentisterie
90% des patients d’un cabinet sont des patients recommandés. Leur satisfaction n’est pas un « plus », mais un objectif, même si « service » n’est pas synonyme d’ « esclavage ». Certaines demandes sont irrecevables. La relation à développer avec les patients doit être « gagnant-gagnant ».
La qualité de service en dentisterie (« QSD ») consiste à mettre en œuvre une pratique dentaire orientée vers la satisfaction du patient, tout en sachant que ce dernier établira sa perception, rationnelle ou pas, sur une succession de mille détails, d’anecdotes pratiquement futiles à vos yeux. C’est une philosophie destinée à augmenter les résultats de votre cabinet en identifiant les besoins de chaque groupe de patients visés. Il s’agit de mettre en place des traitements et des services permettant de répondre plus efficacement que les concurrents aux attentes de ce groupe de patients.
La QSD, qui doit être systématique, ne se limite pas à la qualité des soins. Pour l’améliorer, ainsi que pour impliquer son équipe et assurer la gouvernance du cabinet, il faut suivre 3 lois :
Loi n° 1 : le facteur « Ouaouh » : le patient doit être ravi de son passage chez vous.
Loi n°2 : il faut aller au-delà des attentes de tous les patients, les exigeants comme les autres.
Loi n°3 : la perception est la réalité. C’est la première impression qui compte. Pour faire le point, remplir un tableau à 4 entrées : service, caractéristiques du service (délais, prix…), avantages notables, conscience des avantages.
Il faut aimer ses patients, c’est-à -dire les écouter et s’intéresser à eux. Chaque contact entre lui et l’équipe doit être un « moment de vérité ». Les micro-détails ont leur importance, et la cohérence est importante (inutile de remplir la salle d’attente de belles fiches d’information si l’on néglige de prévenir le patient en cas de retard). La QSD ne consiste pas en l’emploi de formules de politesse, c’est toute une attitude mentale. Il faut dédramatiser les soins dentaires, faire comprendre au patient les enjeux des soins et leur nature et devenir à ses yeux un ami qui se préoccupe de lui. Il faut se garder de se positionner auprès du patient uniquement de façon uniquement professionnelle (risque : trop de froideur) ou uniquement amicale (risque : une perte de crédibilité).
Dans Le prix de l’excellence, Tom Peters et Robert Waterman ont mis en évidence une relation directe entre la qualité de service, l’efficacité et les bénéfices.
L’accueil du patient est très important et chaque membre de l’équipe en est responsable : travailler le contact oculaire, le (vrai) sourire, la prise en compte du besoin du patient d’être pris en compte sans attendre, le désir du patient d’être reconnu. Eviter l’excès de soumission comme l’excès de rigidité.
6. La présentation des plans de traitement
Comment maintenir des revenus dignes de notre niveau de formation sans trahir l’éthique traditionnelle de notre profession ?
Deux solutions : augmenter notre production dans le même temps de travail ou réduire nos dépenses à bon escient.
Il est possible de concilier éthique et rentabilité.
Il faut ĂŞtre non seulement Ă la pointe sur le plan technique et technologique, mais aussi sur le plan relationnel.
Praticien et patient ont tous les deux des devoirs, mais la réflexion doit aller au- delà .
Du côté du praticien, il faut montrer son professionnalisme (niveau de service, mais aussi reconnaissance de ses barrières intérieures, personnelles ou culturelles).
Pour toute présentation de traitement, il faut créer un esprit d’équipe. Si le patient accepte le traitement, c’est parce qu’il croit qu’à long terme celui-ci est bon pour lui. Pas pour nous faire plaisir. Bannissez le « je » au profit du « nous », qui permet de se focaliser sur un projet commun qui engage le patient.
Il faut parler le langage du patient, en gardant à l’esprit que ce n’est pas parce qu’il dit qu’il comprend qu’il a réellement compris.
En début de consultation ou de traitement, parlez des centres d’intérêt du patient. Quand un patient apprécie le praticien, il est plus enclin à suivre ses conseils. On ne fait pas seulement un diagnostic et des propositions de traitement : on fait aussi la promotion d’une bonne santé bucco-dentaire des patients et on assure le développement de notre cabinet. Les patients ne doivent plus nous voir comme des chirurgiens dentistes mais comme des conseillers ou des consultants en dentisterie. « Patients » et « consommateurs de santé » sont pour moi des synonymes. Les consommateurs sont souvent mieux traités que les patients. L’époque du chirurgien dentiste paternaliste est définitivement révolue.
Ne pas oublier (adapter au cas par cas) de parler des futurs bienfaits du traitement : confort, longévité des dents, économies en cas de traitement, joliesse du sourire, impression de rajeunissement, meilleure santé, prévention des problèmes etc.
Il faut se concentrer sur les problèmes et non sur les personnes : ne pas critiquer le manque d’hygième bucco-dentaire du patient ou le travail d’un confrère mais rester factuel (« La dent est ébréchée » par exemple). Il faut diagnostiquer avec les faits et planifier le traitement en tenant compte des émotions.
Il faut aussi comprendre les motivations des patients, et pour cela « traduire » leurs propos. Par exemple , « Mes parents portent un dentier et cela semble marcher… » trahit un patient qui n’a pas un grand souci de ses dents.
Il faut ensuite définir précisément 5 à 10 standards de qualité (standards personnels) pour les traitements, par exemple « Tous les patients devraient posséder une excellente santé dentaire » ou « Tous les membres du cabinet doivent être agréables avec les patients ».
Au niveau de la première consultation, le mieux est que le praticien aille lui-même chercher le patient en salle d’attente. Le sujet de conversation préféré des patients étant « eux-mêmes », utiliser empathie et langage non verbal pour rendre le patient plus réceptif. Coupler ensuite diagnostic et explication, puis passer à l’examen clinique. S’asseoir avec le patient, faire rester l’assistante, commencer par un examen des ganglions et pas des dents, faire ouvrir la bouche et examiner la langue, palper l’intérieur des joues tout en dictant des notes à l’assistante : cela construit « un cas » dans l’esprit du patient et capte son attention. Ensuite, expliquer au patient quelques-unes des observations, lui montrer qu’il n’avait jamais eu d’examen clinique aussi poussé avant. Ne pas s’engager dans des explications trop techniques, ni présenter les tarifs.
Au niveau du plan de traitement, soit environ une semaine après (et au minimum, sauf cas exceptionnels, après le second rendez-vous), expliquer au patient ce plan en veillant à ne pas être interrompu, de préférence dans un bureau. Poser le problème, les solutions, et parler des bénéfices du traitement. Ne jamais interrompre les patients. Accepter qu’ils puissent avoir besoin de temps pour se décider (ne pas forcer les choses ou mettre la pression), ne présenter les tarifs qu’à la fin (et surtout après que le patient a compris les bienfaits et la valeur de ce que vous lui proposez) en gardant à l’esprit que le patient ne pourra accepter les traitements que vous aurez proposés. Le moment venu, demander au patient s’il est prêt à accepter le traitement, et conclure l’exposé du plan de traitement.
Le praticien doit présenter ses honoraires lui-même. Savoir aborder correctement les problèmes d’argent est essentiel. Ralentir le rythme de la parole, regarder le patient dans les yeux en disant : « L’investisssement total pour ce traitement est de 6500€ ». Une présentation correcte comprend les avantages du traitement et l’annonce du prix. Ne pas marchander. Les détails des modalités de paiement doivent être gérés par l’assistante. N’accepter ni des délais de paiement trop longs ou les patients qui ne paient pas.
La prise de décision du patient est une course d’obstacles pour le praticien. Les obstacles, ce sont les objections des patients. Il n’y a aucune recette magique pour qu’il se décide. C’est au praticien de travailler, avec patience, persévérance, motivation.
Partie 3 : le bien-être du praticien et de l’équipe
7. Ergonomie
Seront ici abordés les troubles musculo-squelettiques et le burn-out.
Attention, l’organisation du travail concerne les structures et les systèmes opérationnels, alors que l’ergonomie (« étude scientifique de la relation entre l’homme et ses moyens, méthodes et milieux de travail, et l’application de ces connaissances à la conception de systèmes qui puissent être utilisés avec le maximum de confort, de sécurité et d’efficacité par le grand nombre ») concerne les individus. L’AET (Analyse ergonomique du travail) comporte des aspects de santé physique et psychique au travail et des aspects de performance. L’ergonomie se fonde sur la différence de nature entre la tâche et l’activité. L’opérateur adapte son activité en fonction de son environnement externe et de son état interne. Il y a aussi compromis entre les exigeances de performance et de sécurité, et ce « compromis cognitif » est affecté par beaucoup d’autres facteurs.
Règles et normes ne suffisent jamais. D’après la « Flexigestion », ergonomie, efficacité (faire les bonnes choses quand et là où il faut) et efficience (capacité à atteindre au mieux les objectifs) constituent la « productivité décontractée ».
Le mobilier et le matériel doivent être adaptés à la morphologie des utilisateurs.
8. Les pathologies musculo-squelettiques
Les lombalgies (qui touchent 70% des personnes en âge d’être actives et causent 150 000 arrêts de travail par an et 15% des accidents du travail sur une même période) sont un fléau social. Les chirurgiens dentistes sont plus particulièrement menacés par le rachis lombaire, mais il y a aussi les maux de tête, les douleurs dans le cou ou les épaules, le haut et le bas du dos, les coudes, les poignets et les mains, et les genoux. L’altération du capital morphologique du praticien peut concerner les structures d’amortissement (disques intervertébraux), les guides des mouvements de la colonne vertébrale représentés par les facettes articulaires, les ligaments passifs, les muscles. Altération de l’équilibre général de la colonne vertébrale et anomalies transitionnelles sont fréquents, résultant de deux impératifs contradictoires (être à la fois mobile et stable). Les effets se font sentir au niveau des disques intervertébraux, des articulations inter-apophysaires postérieures, mais aussi au niveau musculaire et ligamentaire.
L’origine de ces troubles musculo-squelettiques (TMS) peut provenir de mouvements inadaptés, d’une faible flexibilité, de muscules posturaux insuffisants, d’une posture inadaptée, de stress mental, d’un mauvais équipement ou de son mauvais usage, de mouvements répétés, d’une force trop importante ou d’un éclairage inadapté, mais surtout d’une posture statique prolongée.
Au niveau des troubles rachidiens, une enquête spécifique concernant les chirurgiens dentistes menée en 1993 sur 1100 praticiens a montré que 74% d’entre eux travaillaient de 8 à 10h par jour, que 70% d’entre eux travaillaient 4 à 5 jours par semaine, que 40% recevaient 10 à 15 patients par jour, que 32% recevaient 15 à 20 patients par jour, que 9% recevaient 20 à 25 patients par jour. Cette enquête a aussi montré que 86,7% des praticiens travaillaient en vision directe, que la position de travail debout était limitée à 1 ou 2h par jour pour 73%, que la position assise était privilégiée par 92% des praticiens (8% préférant la station debout permanente). La fréquence des douleurs vertébrales était permanente pour 12,3% (dont 90% pour les femmes et 10% pour les hommes), occasionnelles pour 53,7% (plus pour les hommes que pour les femmes), rares pour 31,3%, inexistantes pour 7% (surtout pour les hommes entre 30 et 35 ans). Les douleurs vertébrales ciblaient plus précisément la région lombaire (58,2%), la région dorsale (44,8%), la région cervicale (41,2%) et la région cervico-brachiale (12,5%). Les rachialgies lombaires étaient citées comme les plus douloureuses.
La pratique physique compensatrice moyenne n’étant souvent qu’occasionnelle, elle n’arrive pas à compenser les TMS.
Les déséquilibres musculaires viennent du fait que les praticiens sont toujours obligés de de pencher soit d’un côté, soit de l’autre. L’ischémie musculaire vient elle du fait des postures statiques prolongées, qui contractent les muscules de soutien. Un groupe de fibres musculaires en état de constate contraction est appelé « trigger zone » et c’est un phénomène fréquent chez le chirurgien dentiste. Nouvelles habitudes et nouveaux modes de travail sont préférables aux médicaments et à la chirurgie.
9. Les différentes classes de mouvements
Depuis 1923, la classification de Gylbreth a défini 5 groupes de mouvements dans les études ergonomiques : le groupe I concerne seulement les doigts, le II les doigts et les poignets, le III les doigts, les poignets et les coudes, le IV le bras entier et l’épaule, le V le bras entier et la torsion du corps. Les mouvements les plus fatigants, qui exigent de sortir du champ opératoire puis de ré-accomoder, provoquant maux de tête et des yeux, sont ceux des classes IV et V. Ils sont déconseillés.
10. La prévention : la meilleure des assurances
L’ergonomie préventive a pour avantages les réductions des douleurs d’origine musculo-squelettiques, la prévention des blessures d’origine professionnelle, l’augmentation des niveaux d’énergie et de productivité, la diminution du stress professionnel, l’amélioration du moral de l’équipe, la réduction du nombre d’arrêts maladie, l’amélioration de la qualité de vie et de la satisfaction professionnelle, l’allongement de la durée de la carrière.
Trois clés sont à retenir : la posturo-conscience (choix de la posture, exercice, ajustement du siège opérateur), le positionnement (celui du patient, par l’ajustement de la têtière, et de l’opérateur) et le stretching (10 mn par heure).
Le praticien doit avoir les cuisses légèrement obliques. Toute la surface du siège doit être utilisée pour supporter le poids. Il faut être bien assis au fond du siège, avoir le dossier lombaire bien en appui sur le dos, avoir les avant-bras parallèles au sol lorsque les mains sont en position de travail, les coudes le plus près possible du corps, le cou raisonnablement droit (20° maximum), le haut des épaules parallèle au sol, les pieds bien au sol.
Pour prévenir les problèmes de dos, il faut adopter le plus possible une posture neutre, muscler les muscles stabilisateurs (via des exercices de rotation), ne pas toujours travailler dans la même position autour de la montre, alterner les positions assise et debout, éviter les torsions du même côté, se tenir au plus près du patient (monter la tête de celui-ci au plus haut dans la têtière) et s’étirer régulièrement.
Concernant le cou et les épaules, il faut adopter une posture neutre de la tête, utiliser des repose-bras dès que possible, travailler en vision indirecte au maxilliaire, préserver la courbe naturelle de la colonne vertébrale et aussi s’étirer régulièrement.
Selon le docteur Pascal Sigismond, directeur de C’dentaire, le fait que le praticien travaille dans l’infiniement petit rend la prévention difficile. On peut s’aider de microscopes opératoires et de loupes binoculaires. La profondeur de champ doit être largement supérieure au champ buccal (5 à 7 cm, l’idéal étant 12, ou plus). Le champ doit être large. La résolution de l’image, haute, doit respecter les contrastes, volumes et couleurs sur tout le champ opératoire, et l’image ne doit pas être distordue. Les loupes existent en version « flip-up » (réglagle et déréglable en sens inverse, utilisable par plusieurs praticiens) et « transfixée » (plus recommandée).
Les recommandations pour l’assistante, dont les pieds reposent sur l’anneau du tabouret auxiliaire (différence avec le praticien) et les yeux sont à 10 à 15 cm au- dessus de ceux du praticien, sont les mêmes. Elle doit être assise non sur un tabouret, mais sur un siège doté d’un support lombaire.
La position de travail debout (la pire qui soit) a pour inconvénient, vu que le champ opératoire doit être à 30/35cm, de majorer l’antéflexion du buste, laquelle est réalisée à 70% par la charnière lombo-sacrée (L5-Sl). Mais de son côté, la station assise fait subir au disque intervertébral un poids (100kg pour un praticien de 70 kg assis sans soutien). Dans tous les cas, le rachis lombaire souffre.
Pour prévenir les troubles du canal carpien, il faut sélectionner les instruments avec le plus grand soin, éviter la flexion prolongée du poignet, utiliser les ultrasons dès que possible, étirer ses mains régulièrement et ne pas utiliser de gants trop petits.
11.Les troubles liés au stress et le « burn out »
L’isolement (on exerce seul une profession physiquement et nerveusement épuisante) est le paramètre le plus important. Le « karoshi », ou décès par surmenage, est un risque.
Il faut parfois prendre du recul et se demander si l’on aime encore ce que l’on fait.
Le stress négatif se manifeste par de la fatigue chronique, de l’angoisse injustifiée, de l’auto-critique négative, la sensation d’être perpétuellement débordé, de l’irritabilité excessive, des maux de tête ou d’estomac fréquents, une perte ou une prise de poids, des insomnies régulières, des prises d’alcool inconsidérées et/ou habituelles.
15% de tous les arrêts de travail sont dus à des stress liés à l’activité professionnelle.
Les facteurs intrinsèques de stress peuvent être la mauvaise gestion du temps, la perfection technique, la succession d’actes techniques difficiles, des tensions avec l’équipe, un désintérêt pour le travail, un manque de délégation, un besoin impérieux de garder le contrôle, le fait de mal se connaître et de ne pas savoir ce que l’on veut, de refuser le changement, de ne pas avoir d’objectifs clairs, de refuser d’être objectif (de vouloir des choses contradictoires), de ne pas se donner les moyens de ses objectifs, d’accepter le statu quo, de refuser la complexité, d’être trop gentil ou trop agressif, de ne pas avoir de visibilité sur l’avenir, ni d’organisation claire, ni de cohérence. Un décalage entre niveau clinique souhaité et niveau réel, une mauvaise conception de ce qu’est l’efficacité, le burn out, le perfectionnisme, la mauvaise gestion du stress, des relations, des émotions, des échecs (inévitables), des réussites, le fait de chercher l’absence totale de stress, une attitude mentale négative, la procrastination, l’incapacité à dire « non », à déléguer, le désordre, la mauvaise estimation de la durée des actes à réaliser et les perturbations émotionnelles sont d’autres exemples de ces facteurs intrinsèques.
Au niveau des facteurs extrinsèques, on note les lourdes charges de travail, l’anxiété du patient, son manque de coopération, des problèmes financiers significatifs, des problèmes relationnels, le fait d’être guidé par son carnet (et pas l’inverse), d’avoir des techno-problèmes, d’être « pollué », des problèmes personnels graves, le téléphone, les visiteurs, les retards, le manque ou l’excès de personnel, la mauvaise communication, les réunions, la mauvaise planification des autres (prothésistes, assistantes).
Pour lutter contre ces facteurs de stress, il faut au minimum réduire le stress des patients, pratiquer des techniques de respiration, de relaxation progressive et le « training autogène de Schultz » (à base de suggestion verbale). Il faut faire de l’exercice physique, par exemple en utilisant un « Waff » (coussin de détente) et investir lourdement dans du matériel ergonomique.
Conclusion
Pour notre efficacité, les habitudes doivent être identifiées, redéfinies, parfois au besoin éliminées. Il faut identifier celles qui correspondent à son objectif, se lancer un défi de 21 jours (pendant 21 jours, on répète une action –ensuite le pli est pris) et ne pas oublier d’être flexible.
4 habitudes particulièrement contre-productives sont à éliminer : se chercher des excuses, se demander si l’on est capable d’accomplir une tâche ou d’atteindre un objectif (mieux vaut se former et/ou se lancer), perdre son temps en papillonnant (le temps est le nerf de la guerre), et être trop critique envers soi-même.
7 habitudes sont par contre à recommander : définir chaque jour 3 tâches à accomplir, réaliser immédiatement les actions qui prennent moins de deux minutes à être accomplies, décomposer ses objectifs en mini-objectifs, toujours consigner par écrit ses idées, utiliser la règle du « flow » (concept élaboré par Mihaly Csikszentmihalyi consistant à se concentrer exclusivement sur les tâches à réaliser sur une période déterminée), privilégier l’action face aux problèmes et garder une trace des problèmes rencontrés et sur la manière dont on les a résolus (et créer une procédure si le problème en question survient 3 fois).
Même en période de crise, l’épanouissement et possible, pourvu qu’on s’en donne la peine.