(Article basé entre autres sur les numéros 5 : Le diagramme d’Ishikawa et les liens de cause à effet ou comment remonter à la source d’un problème, et 29 : La philosophie du Kaizen ou l’amélioration continue, de la revue 50 Minutes Gestion & Marketing)
La plupart des ouvrages de gestion de cabinet ou plus largement de management d’entreprise nous proposent des méthodes, systèmes et impulsions d’amélioration de la direction, de la productivité ou de la communication, interne et externe, du cabinet, à mettre en place pour sortir rapidement d’une impasse ou d’un fonctionnement obsolète ou en échec, mais se concentrent en règle générale sur la phase d’acquisition de nouveaux concepts et automatismes et de transformation du cabinet, sans offrir de réelle méthode quant à la persistance de ces améliorations dans le temps, à la gestion de la « routine » qui se réinstalle rapidement dans ces nouveaux processus et systèmes et à l’ajustement du rythme imposé par d’importants bouleversements au sein du cabinet qui ne saurait être maintenu à long terme. Plus qu’une méthode commerciale ou managériale, le management lean, qui nous vient du Japon, est plutôt une philosophie de la gestion d’entreprise, qui peut permettre de prolonger en douceur et de façon naturelle cet effort et de maintenir la courbe ascendante des résultats dans la durée.
Le terme emprunté à l’anglais (lean : maigre) désigne à l’origine une méthode de production initiée et systématisée par la société Toyota, dans la lignée du taylorisme et du fordisme, visant à faire face à une économie en crise, à des moyens de production limités et à de nombreuses pénuries au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Déployé sur 25 ans, le Système de Production Toyota (TPS) ou toyotisme, représente donc une évolution pragmatique, progressive et constante en réponse aux problèmes concrets rencontrés par l’entreprise. Dépassant le cadre initial de la production, la notion de « lean » s’étend désormais à la gestion administrative, au développement commercial et, bien sûr, au management d’entreprise.
Pour simplifier au maximum ces notions que nous dĂ©velopperons dans de prochains articles, le management lean repose essentiellement sur deux principes : le « juste Ă temps », qui se focalise sur la gestion du temps et l’enchaĂ®nement des tâches, et le jidoka, ou automatisation Ă visage humain. Il vise Ă Ă©radiquer les trois types de « dĂ©mons » minant la rĂ©ussite d’une entreprise au sens large (production, administration, gestion), Ă savoir les mudas (le gaspillage : pertes de temps, ajouts sans valeur, mouvements inutiles, temps perdu…), les muris (l’excès : surcharge de travail en raison d’outils, de main d’œuvre ou de processus inadaptĂ©s), et les muras (l’irrĂ©gularitĂ© : variabilitĂ© des performances humaines ou matĂ©rielles). Il se fonde concrètement sur la notion d’« amĂ©lioration continue » : le Kaizen. C’est cette notion et quelques-uns de ses outils d’application, dont notablement le diagramme d’Ishikawa, que nous allons Ă prĂ©sent introduire plus en dĂ©tail.
Le Kaizen ou l’amélioration continue
Présentation du concept et applications en entreprise
Du japonais Kai, « changement » et Zen, « bon, meilleur », le Kaizen se traduit par « amĂ©lioration continue ». Le concept dĂ©passe aujourd’hui son cadre d’application initial d’optimisation du fonctionnement d’une chaĂ®ne de fabrication, et dĂ©signe, pour simplifier, l’adaptation incessante des outils et procĂ©dures existants pour amĂ©liorer les rĂ©sultats finaux quel que soit l’environnement (administration, fabrication, vente, service…). Cette dĂ©marche se singularise par une approche qui peut paraĂ®tre en dĂ©calage avec les habitudes et principes occidentaux de la gestion d’entreprise, puisqu’elle tend fondamentalement non Ă l’innovation mais Ă l’amĂ©lioration par petites touches d’élĂ©ments existants. C’est pourquoi elle peut, comme on l’a Ă©voquĂ©, aisĂ©ment prendre le relai de changements plus importants et plus brutaux qui peuvent s’avĂ©rer nĂ©cessaires Ă sortir d’une crise, mais dont le rythme et les investissements ne sauraient ĂŞtre maintenus sur le long terme malgrĂ© les conseils rĂ©currents de « constance » et de « remise en cause permanente » souvent prodiguĂ©s en conclusion des ouvrages stratĂ©giques occidentaux. Le Kaizen tire sa force de l’implication de l’ensemble des membres de la cellule concernĂ©e (entreprise ou administration), chaque rouage du fonctionnement de la micro-sociĂ©tĂ© participant Ă l’identification des problèmes, Ă leur rĂ©solution et Ă la mise en place des diverses amĂ©liorations, quel que soit son statut hiĂ©rarchique. Cela peut se traduire par exemple dans certaines entreprises par la mise en place d’une « boĂ®te Ă idĂ©es » accessible Ă tous, chaque suggestion Ă©tant Ă©tudiĂ©e avec le mĂŞme sĂ©rieux et les idĂ©es constructives appliquĂ©es d’oĂą que la proposition soit venue. Travail d’équipe, le Kaizen se rĂ©alise souvent par l’autonomisation de petits groupes de travail et suppose une communication optimale entre les collaborateurs.
En cabinet comme en entreprise, le Kaizen peut notamment être utilisé concernant la gestion de la qualité : dans le Modèle de Qualité Totale (TQM) couramment employé dans la démarche Kaizen, la synergie collaborative telle que définie notamment par Stephen Covey doit viser à l’amélioration de la qualité du produit ou du service avant celle des conditions de production. Tous les collaborateurs sont impliqués afin d’approcher le « Zéro Défaut », concept d’idéal commun dont est censée dépendre la satisfaction personnelle de tous. Si le Zéro Défaut, qui fait partie de l’ensemble plus large des « 5 Zéros » cher au Kaizen (zéro délai, zéro papier, zéro stock, zéro défaut, zéro panne) demeure un idéal et ne doit pas devenir une source d’exigence irréaliste, c’est la fondation d’une véritable culture de cet objectif qui permet de centraliser les énergies sur cet idéal commun (ce qui s’applique d’ailleurs aux 4 autres zéros). Il permet également l’amélioration de la productivité, par l’analyse et la transformation progressive des processus et systèmes en place en se fondant sur l’expérience réelle des rouages humains y participant. L’amélioration de leurs conditions de travail est d’ailleurs un des objectifs premiers du Kaizen, puisqu’étroitement lié aux deux précédents : il n’est plus à démontrer que la productivité comme la qualité des services augmentent proportionnellement à la satisfaction des employés quant à leurs conditions de travail, et que leur motivation en dépend directement. Enfin, toujours dans la perspective plus large du management lean, le Kaizen s’attache à la réduction des coûts, là encore très progressivement plutôt que par des coupures importantes et brutales.
Les avantages d’une approche Kaizen sont ainsi nombreux, permettant notamment d’introduire dans tous les secteurs d’activité des changements en douceur, moins générateurs de stress et de rejet de la part du personnel que de plus grands bouleversements, et issus de concertations communes valorisantes pour la motivation des employés et collaborateurs. De même, l’optimisation des procédures et postes de travail renforce cette motivation et le bien-être au travail, tout comme la rapidité des résultats perceptibles pour un minimum d’investissement et de pression. Le Kaizen permet enfin de répondre autrement à la concurrence que par la surenchère de moyens publicitaires ou de production, en optimisant les possibilités réelles d’un cabinet ou d’une entreprise, et en créant une dynamique de compétitivité basée sur la régularité, la fiabilité et la collaboration.
Mise en pratique
La mise en pratique de ce concept va se faire sous forme de « chantiers Kaizen », c’est-à -dire de cycles d’amélioration restreints et surtout très courts, dont la multiplicité et la régularité seront garantes d’une progression à long terme mais dont les résultats individuels, immédiatement perceptibles, permettront une optimisation rapide. La durée moyenne d’un chantier Kaizen varie entre quelques jours et un mois de travail, et se décompose classiquement en quatre étapes :
– Première Ă©tape : l’analyse prĂ©liminaire
Elle a pour objectif de mettre en relief l’ensemble des points nécessitant une amélioration, étant précisé que dans le cadre d’une démarche Kaizen, il ne s’agit pas seulement de résoudre des problèmes mais également d’améliorer les systèmes et procédures qui sont a priori efficaces mais pourraient fonctionner encore mieux. Elle se fait en commun, et si plusieurs outils adaptables à chaque situation peuvent être utilisés, on recourt en règle générale au diagramme d’Ishikawa, sur lequel nous reviendrons en détail plus loin, afin d’identifier précisément les points devant ou pouvant être améliorés, les causes et sous-causes de cette situation, et de sélectionner celui sur lequel chaque chantier va porter.
Il est primordial à ce stade de procéder à un relevé détaillé de la situation actuelle sur chaque poste de réflexion, quantifié et précis, afin de pouvoir par la suite monitorer les changements réels, et non se fonder sur des impressions : par exemple, il ne suffit pas de relever qu’on ne convertit pas suffisamment de premiers appels en rendez-vous, mais de savoir avec exactitude combien de premiers appels ont été reçus, combien ont été convertis, combien de ces premiers rendez-vous ont été honorés, combien ont débouché sur un traitement etc., puis de connaître ces même données à l’issue du chantier Kaizen. En effet, le Kaizen visant à de petits changements, rapides et faciles à mettre en place, il est important, pour constater l’amélioration globale sur le long terme, de pouvoir quantifier même les améliorations qui pourraient paraître insignifiantes prises individuellement. Dans le Kaizen, il ne s’agit pas de coups d’éclat, mais de l’accumulation de petites améliorations qui produisent de grands résultats. On ne révolutionnera pas par exemple d’un coup la procédure d’accueil d’un patient, ou on ne procèdera pas à la refonte totale du site Internet, mais on modifiera une étape, un onglet, un élément, puis on monitorera les résultats à échéance très courte, avant de procéder à un autre chantier pour une autre étape etc.
Ainsi on mesurera et on chiffrera notamment, suivant le chantier :
– la durĂ©e d’une procĂ©dure
– les quantitĂ©s (rendez-vous, appels, plans de traitements, production…)
– le taux de satisfaction (des collaborateurs comme des patients)
– les pertes (gaspillages, retards, rendez-vous non honorĂ©s…)
– les coĂ»ts (matĂ©riel, actes, produits, personnel…)
– Deuxième Ă©tape : le choix des responsables et des solutions
Si l’ensemble de l’équipe doit être impliqué dans l’analyse préliminaire, le chantier une fois clairement défini doit être attribué aux membres les plus concernés, qui vont proposer ou recueillir les idées de changements auprès du reste de l’équipe si nécessaire, et décider des changements à adopter, des éventuelles mesures annexes et des actions à entreprendre leur permettant d’y procéder.
– Troisième Ă©tape : la mise en Ĺ“uvre et le calcul des rĂ©sultats
La troisième étape est la phase d’application des mesures sélectionnées, qui doivent être limitées et testées sur un temps très court. C’est également la phase où les mesures en question peuvent être immédiatement ajustées si leur application concrète pose des difficultés qui n’avaient pas été anticipées.
– Quatrième Ă©tape : le retour d’expĂ©rience
Une fois les mesures expérimentées, on reprend les mesures définies à l’étape 1 pour pouvoir les comparer et constater les améliorations. C’est de nouveau une étape commune, et le débriefing ne négligera pas de féliciter et / ou de récompenser les collaborateurs à l’origine de l’idée et ceux à l’origine du changement. Il est également important de procéder au suivi des résultats de chaque chantier postérieurement à leur implémentation.
Un exemple (très simplifié) de chantier Kaizen en cabinet dentaire pourrait être :
– Ă©tape 1 : la concertation fait ressortir que les deux points actuels d’achoppement principaux sont trop de rendez-vous non honorĂ©s et une baisse du nombre de plans de traitement acceptĂ©s depuis trois mois. L’équipe s’accorde Ă se pencher d’abord sur le premier problème, qui peut influencer le second et ĂŞtre abordĂ© sans nĂ©cessairement de gros investissements immĂ©diats. Les chiffres prĂ©cis et donnĂ©es sont analysĂ©s (types de rendez-vous, primo-patients ou patients rĂ©guliers…) et les causes et sous-causes possibles identifiĂ©es grâce au diagramme : par exemple le patient ne vient pas parce que le patient qui prend rendez-vous ne se sent pas tenu de l’honorer, il ne sent pas tenu parce que la conversation tĂ©lĂ©phonique ne lui a pas fourni les informations qu’il a besoin de connaĂ®tre avant un rendez-vous, ou parce qu’il n’a pas conscience des consĂ©quences de ce type de comportement, ou parce qu’on a pas tenu compte de ses prĂ©fĂ©rences quant Ă l’heure ou que le rendez-vous Ă©tait trop Ă©loignĂ© etc.
– Ă©tape 2 : l’équipe et la hiĂ©rarchie s’accordent logiquement sur l’attribution du chantier Ă la personne en charge de la prise de rendez-vous et du planning. Elle va consulter le dentiste, pour peut-ĂŞtre remettre en cause l’enchaĂ®nement des rendez-vous et revoir ses prioritĂ©s. Elle va consulter Ă©galement la personne en charge de l’accueil tĂ©lĂ©phonique afin de revoir les prĂ©occupations principales des patients qui appellent pour fixer un rendez-vous. Celle-ci lui dit notamment que les premiers rendez-vous prĂ©fèrent toujours ĂŞtre reçus rapidement et qu’il serait bon qu’elle dispose de crĂ©neaux Ă court termes pour ce type d’appel. Elle-mĂŞme s’aperçoit qu’on ne procède jamais au cabinet Ă des appels de suivi des rendez-vous. Les mesures dĂ©cidĂ©es sont les suivantes : durant une semaine, elle rĂ©servera deux crĂ©neaux par jour dans l’emploi du temps uniquement aux premiers rendez-vous pour la rĂ©ceptionniste d’accueil, et elles consacreront chacune 10 minutes par jour Ă rappeler par tĂ©lĂ©phone les rendez-vous aux patients.
– Ă©tape 3 : les mesures sont mises en place. Dès le second jour, la standardiste constate qu’elle a dĂ» mettre en attente des nouveaux patients appelants parce qu’elle-mĂŞme procĂ©dait Ă un rappel de rendez-vous existants et qu’elle a ainsi perdu des appels, ce qui est contre-productif. La chargĂ©e de planning ajuste donc la mesure qu’elle a mise en place, et s’occupe elle-mĂŞme de l’ensemble des appels si elle le peut ou les rĂ©partit par petites quantitĂ©s aux membres ayant quelques minutes par jour Ă y consacrer, qualifiĂ©s pour s’en charger ou pouvant ĂŞtre formĂ©s.
– Ă©tape 4 : l’équipe est informĂ©e des rĂ©sultats. Il n’y a eu qu’une seule annulation cette semaine, qui n’a pas pour une fois perturbĂ© l’emploi du temps du dentiste puisque connue 48 heures Ă l’avance et ayant pu ĂŞtre remplacĂ©e ; les premiers rendez-vous fixĂ©s Ă 24 ou 48 heures ont eux tous Ă©tĂ© honorĂ©s. Les mesures de rappel des rendez-vous et de rĂ©servation de deux crĂ©neaux par jour de la semaine aux nouveaux rendez-vous sont donc adoptĂ©es dĂ©finitivement et la chargĂ©e de planning, responsable des changements, la standardiste, Ă l’origine d’une des idĂ©es, et les personnes ayant Ă©ventuellement rĂ©cupĂ©rĂ© une partie des appels de suivi, sont fĂ©licitĂ©es, formĂ©es Ă leurs nouvelles responsabilitĂ©s si nĂ©cessaire, et rĂ©compensĂ©es lorsque ces efforts s’inscrivent dans la durĂ©e (3 idĂ©es adoptĂ©es, ou 3 responsabilitĂ©s de chantiers ayant produit des rĂ©sultats etc.). Un mois plus tard, sans autre mesure, le suivi rĂ©gulier des rĂ©sultats de ces mesures montre que le nombre de plans de traitement est Ă©galement remontĂ©, la plupart issus de premiers rendez-vous fixĂ©s Ă moins de 48 heures de dĂ©lai.
Le diagramme d’Ishikawa ou l’identification méthodique des problèmes
Présentation et objectifs du modèle
Le Kaizen n’est ainsi pas en soi une méthode mais plutôt un état d’esprit et une ligne directrice de fonctionnement qui vont devoir s’appuyer sur différents outils concrets pour être formalisés en « chantiers ». L’un de ces outils, que nous avons évoqué de façon succincte, est donc le diagramme d’Ishikawa, parfois désigné comme « méthode des 5M » ou « diagramme en arêtes de poisson ».
Créé par un ingénieur japonais en 1943, il s’agit d’un outil graphique visant à offrir une vision globale des causes génératrices d’un problème et des effets qui en découlent. Les causes étant hiérarchisées, il devient dès lors possible d’identifier précisément les sources du problème pour y remédier. C’est donc un outil de diagnostic facilement adaptable et déclinable qui peut se prêter aussi bien au secteur de la gestion courante que de la qualité ou de la gestion des risques. Cette méthode a pour objectif d’analyser graphiquement et de manière structurée les liens de cause à effet entre les éléments d’une situation. Elle se fonde sur deux hypothèses :
– il n’existe pour chaque problème qu’un nombre limitĂ© de causes, dont des causes principales et des causes secondaires
– la comprĂ©hension et la distinction des causes du problème est la première Ă©tape indispensable Ă la rĂ©solution du problème.
Elle présente l’avantage d’offrir une vision claire, étendue et exhaustive des causes d’un problème même dans des secteurs qui peuvent sembler ne pas l’affecter, et des liens de causes à effets entre des données parfois éloignées les unes des autres, et une harmonisation des secteurs à la racine des problèmes. Le diagramme d’Ishikawa permet ainsi de hiérarchiser les facteurs d’origine d’une difficulté et d’identifier les domaines devant faire l’objet d’une intervention, par plusieurs chantiers Kaizen simultanés par exemple, sans rien oublier et en étant conscient de l’interdépendance des secteurs entre eux (une solution centrée sur un seul aspect peut par exemple échouer en raison d’une cause située sur une autre branche et non traitée).
Composantes du modèle
Concrètement, le modèle se présente sous la forme des arêtes d’un poisson dont la tête représente le problème dont on veut identifier les causes, articulées autour des « 5 M », les cinq secteurs d’origine des problèmes :
Les 5 M originaux définis par le professeur Ishikawa se comprennent au sens large :
– Matière : tout ce qui est consommable ou correspond aux matières premières intervenant dans le problème
– Milieu : tout ce qui a trait au contexte et Ă l’environnement en rapport avec le problème
– MatĂ©riel : tout ce qui est utilisĂ© dans le cadre de la survenance du problème (logiciels, Ă©quipements
– MĂ©thode : l’ensemble des procĂ©dures en application liĂ©es au problème
– Main d’œuvre : les ressources humaines impliquĂ©es, leurs capacitĂ©s, leur formation, leurs aptitudes, les relations (entre les membres, avec les patients…)
Il va sans dire que ce schĂ©ma n’est pas figĂ© et peut, ou mĂŞme doit ĂŞtre adaptĂ© en fonction de chaque problème et avec les Ă©lĂ©ments les plus pertinents pour votre secteur d’activitĂ©. Il peut Ă©galement ĂŞtre Ă©tendu Ă 6, 7 ou 8 M incluant le Management (direction, gestion), les Machines, les Mesures (outils de diagnostic, de suivi des donnĂ©es…), les Moyens financiers etc. Les « raisons » des causes sont les causes secondaires, souvent ignorĂ©es lors de l’analyse d’un problème, qui reprĂ©sentent pourtant leurs racines. Il s’agit enfin lĂ encore, d’une dĂ©marche collective devant faire l’objet d’une concertation gĂ©nĂ©rale et d’une communication fluide et impliquer tous les membres de l’équipe quels que soient leur poste, leur statut ou leur position hiĂ©rarchique.
Exemple concret
Étape 1 : identification et dĂ©tail du problème (ou du risque, ou du point de vĂ©rification de la qualitĂ©…). Par exemple, il ressort du dernier sondage effectuĂ© auprès des patients que seuls 40% d’entre eux s’estiment satisfaits de leur relation avec le cabinet. Le taux d’insatisfaction des patients est donc critique Ă ce stade et nĂ©cessite un redressement rapide. L’identification ne se contente pas de ce postulat gĂ©nĂ©ral, mais prĂ©cise :
– l’évolution de ce taux (plus ou moins que lors des dernières vĂ©rifications)
– quels sont les griefs exprimĂ©s par les patients, et s’il ne peut ĂŞtre rĂ©pondu sur ce point quelles sont les questions ou dĂ©marches manquantes dans les outils d’évaluation
– les nuances (les 60% ne se dĂ©clarant pas satisfaits sont-ils rĂ©ellement mĂ©contents ou simplement neutres, n’y a-t-il pas trop de nuances dans les questionnaires gĂ©nĂ©rant une rĂ©ponse classĂ©e comme « insatisfaite » alors que le patient est tout simplement neutre sur ce point etc.)
– Étape 2 : liste exhaustive des causes probables en concertation avec l’ensemble de l’équipe. Toutes les idĂ©es et opinions sont retenues et listĂ©es sans ĂŞtre triĂ©es pour le moment.
– Étape 3 : dĂ©finition des M Ă retenir pour cette analyse et classement des causes listĂ©es dans ces M. Par exemple dans notre cas :
Milieu : le cabinet est trop excentré
Main d’œuvre : plusieurs patients se sont plaints d’un mauvais accueil téléphonique
Matériel : des patients ont dû revenir en urgence ou imprévu pour un pansement temporaire tombé le soir même des soins
Méthode : plusieurs patients se sont plaints des retards malgré leur ponctualité aux rendez-vous fixés.
Etc.
– Étape 4 : dĂ©finition des raisons (autrement dit des sous-causes, « causes des causes »). Dans notre exemple, on peut imaginer les sous-catĂ©gories suivantes :
Matériel : des patients ont dû revenir en urgence ou imprévu pour un pansement temporaire tombé le soir même des soins –> le matériau utilisé n’est pas de bonne qualité, il a été testé récemment parce qu’il était moins cher mais devra peut-être être abandonné
Main d’œuvre : plusieurs patients se sont plaints d’un mauvais accueil téléphonique –> la personne en charge du standard est en congé, c’est un assistant dentaire déjà chargé d’autres tâches qui a pris le relai plutôt qu’une embauche temporaire mais cette solution ne fonctionne pas, il n’est pas formé pour ou se sent débordé ou mal employé
Méthode : plusieurs patients se sont plaints des retards malgré leur ponctualité aux rendez-vous fixés –> des durées de rendez-vous ont été mal évaluées et les rendez-vous fixés de façon trop rapprochée, n’ont pas tenu compte de pauses par exemple, ou encore la nouvelle procédure accueil / préparation / entrée en soin etc. qui semblait possible et optimale sur papier n’est pas réaliste en pratique et doit être repensée
Mesure : le questionnaire manquait de précision, le prochain devra comporter des questions et notations plus spécifiques, et/ou des espaces d’expression permettant au patient d’indiquer plus clairement son avis, et/ou les taux de satisfaction à « étoiles » pourront limiter le choix à « pas satisfait, neutre et très satisfait » plutôt que 5 nuances afin de ne pas plomber les résultats etc.
Ces quatre étapes représentent la première du chantier Kaizen vu au point précédent. Une fois complétées, on en revient à l’étape 2 du chantier Kaizen, c’est-à -dire la définition et l’attribution des chantiers à implémenter immédiatement, puis leur mise en œuvre et enfin le suivi des résultats à brève échéance et la reconnaissance de l’effort commun et des améliorations en découlant.
Autres outils d’analyse préliminaire
Pour un même problème posé, d’autres outils d’analyse simples peuvent venir compléter, renforcer ou préciser le diagramme d’Ishikawa, qui peut s’avérer limité pour les problèmes complexes ou interdépendants. Pour s’assurer de l’objectivité et de la pertinence des analyses et élargir la réflexion, on peut avoir recours par exemple aux méthodes suivantes :
Les 5 pourquoi
La méthode des « 5P » ou « 5 pourquoi » consiste, comme son nom l’indique, à simplement se poser 5 fois la question « pourquoi » à chaque cause identifiée afin de distinguer les causes « racines », les causes réelles sous-jacentes au problème. Par exemple :
Problème général identifié : les patients sont mécontents
Pourquoi ? (1)
Parce qu’ils passent un mauvais moment au cabinet.
Pourquoi ? (2)
Parce que le dentiste est toujours en retard et que la secrétaire est désagréable.
Pourquoi ? (3)
Parce que le planning est mal géré, et parce que la secrétaire se sent débordée depuis qu’elle s’occupe aussi des plannings et est moins avenante avec les patients, au téléphone comme en direct.
Pourquoi ? (4)
Parce qu’elle a été embauchée comme standardiste mais n’a pas reçu de formation d’accueil, et encore moins de gestion d’emploi du temps. Elle est en outre toujours payée comme standardiste depuis son embauche il y a maintenant plusieurs années.
Pourquoi ? (5)
Parce que l’embauche d’une personne supplémentaire n’apparaissait pas nécessaire et que le dentiste la pensait capable et disposée à en faire plus / ne s’est pas rendu compte qu’il lui demandait d’accomplir des tâches hors de ses prérogatives / qu’elle n’était pas rémunérée à hauteur du travail fourni.
Résultats : les clients sont mécontents PARCE QUE la main d’œuvre est insuffisante, et que la gestion des ressources humaines n’est pas adaptée à la situation réelle du cabinet ou à son ambition en termes de production et de patientèle.
Le diagramme de Pareto
Le diagramme de Pareto est un outil simple permettant, préalablement à l’analyse d’un problème, de choisir quelle cause analyser en priorité. Il consiste à classer sous forme de schéma les différents aspects en pourcentage d’occurrences afin de se concentrer sur les plus récurrents et de hiérarchiser leur résolution :
Autres outils
On peut également évoquer la méthode « CARRÉ D’AS », qui reprend et synthétise le principe du chantier Kaizen :
C – Choisir un problème précis (le problème est ___)
A – Analyser ce problème (qui, quoi, comment, où, combien)
R – Rechercher les causes (Pareto puis Ishikawa)
R – Rechercher les solutions (émulation de tous les membres)
É – Essayer (Mettre en place les micro-solutions aux effets rapides)
D – Décider (Ajuster, pérenniser, éliminer en fonction des résultats à court termes)
A – Appliquer (Systématiser les solutions ayant fait leurs preuves)
S – Suivre (Monitorer leur application sur le long terme, sa pérennité et la régularité des améliorations et les effets sur d’autres problèmes dépendants)
On peut Ă©galement mentionner la grille d’efficacitĂ©, qui comme le CarrĂ© d’As s’oriente davantage sur la rĂ©solution que sur la recherche des causes, qui pose les diverses solutions envisagĂ©es en termes de ratio coĂ»t / efficacitĂ©, le « coĂ»t » ayant trait bien Ă©videmment aux investissements matĂ©riels affĂ©rents mais pouvant Ă©galement ĂŞtre entendu en termes de temps investi, de charge de travail, de nĂ©cessitĂ© de formation…
Ces systèmes d’exposition et d’appréhension des solutions possibles, intervenant donc postérieurement, ne rendent pas moins indispensables à l’éventuelle résolution des problèmes ou risques les étapes purement analytiques de leurs causes. Il est ainsi toujours pertinent de maîtriser et de jongler avec plusieurs outils d’analyse et de ne pas se limiter à un angle ou une approche, qu’il s’agisse de résolution de problèmes, d’anticipation de risques ou de contrôle qualité. La recherche de solutions et d’améliorations passe nécessairement et préalablement par la connaissance profonde de leurs causes et de l’origine réelle de celles-ci. Ces modèles sont interdépendants et adaptables non seulement à chaque secteur professionnel, mais également à chaque situation au sein de ce secteur, et doivent être personnalisés.
En conclusion, on se doit de préciser que l’approche Kaizen en cabinet suppose tout de même une base saine, financièrement comme humainement parlant, et représente un relai plus qu’une solution à une situation de crise importante, puisqu’on l’a vu, il s’agit plutôt de favoriser l’amélioration d’éléments existants que d’innovation ou de gestion de crise, et surtout il s’agit d’une évolution progressive faite de microdécisions rapides, immédiatement applicables et mesurables dont les résultats, focalisés sur le court terme, sont donc limités. Elle suppose également une culture d’entreprise et une cohésion fortes au sein du cabinet, puisqu’elle repose sur une collaboration cohérente, motivée et investie de tous ses membres plus que sur des compétences ou des moyens financiers. C’est pourquoi l’appréhension et l’application du Kaizen et l’utilisation du diagramme d’Ishikawa et autres outils d’analyse à l’issue d’une sortie de crise peuvent représenter une parfaite initiation au management lean pouvant succéder à des changements plus drastiques et exigeants en matière de ressources humaines, de management ou d’investissements, ce qui à plus long terme, permettra de pérenniser les améliorations réalisées, d’éviter le retour d’une situation délicate déjà réglée, et de faire encore progresser, à un rythme plus régulier et moins soutenu (donc générant moins d’investissement et moins de pression que les mesures de sortie de crise), la courbe ascendante de la réussite de votre cabinet.