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Dossier : PrĂ©occupations actuelles des dentistes en devenir

Il est dĂ©sormais acquis que les enjeux modernes de l’entrĂ©e professionnelle dans le secteur dentaire privĂ© dĂ©passent très largement l’aptitude mĂ©dicale, prĂ©requis fondamental, pour s’étendre Ă  des considĂ©rations pratiques qui ont pu faire dĂ©faut au cours de la formation acadĂ©mique. Gestion d’entreprise, marketing, communication, logistique sont autant d’élĂ©ments qui ne peuvent plus ĂŞtre ignorĂ©s ou improvisĂ©s comme accessoires Ă  la rĂ©ussite d’un cabinet. Cette prise de conscience transparaĂ®t ainsi notamment dans les prĂ©occupations des chirurgiens-dentistes en devenir, dont les thèses de fin de cursus depuis une quinzaine d’annĂ©es s’éloignent de plus en plus souvent des thèmes purement mĂ©dicaux pour se dĂ©placer vers ces questions pratiques et concrètes quant Ă  ce qui les attend Ă  la sortie de leur formation. C’est un survol de ce phĂ©nomène et de certaines de ces thèses, illustrant les enjeux et prĂ©occupations actuels des futurs praticiens, que ce dossier propose de prĂ©senter, en les regroupant en trois grands thèmes : l’ergonomie et l’optimisation du cabinet, sa gestion et son management, et enfin les principes modernes de communication et de rapport au patient.

I. ERGONOMIE ET ORGANISATION DU CABINET DENTAIRE

1. Optimisation des locaux 
2. Optimisation des dispositifs instrumentaux 
3. La rĂ©duction du nombre de sĂ©ances de traitement par le rallongement des durĂ©es 
4. Les gestions des rendez-vous non programmĂ©s 

II. MANAGEMENT ET GESTION DU CABINET DENTAIRE

1. Finances, fiscalitĂ© et ressources humaines 
2. Le management de groupe et la dĂ©marche qualitĂ© 
3. Environnement et dĂ©veloppement durable  (en deux articles) 

III. LA RELATION PATIENT 

1. L’abord du patient : psychologie et communication 1/2
2. L’optimisation des premiers rendez-vous

4. Le second rendez-vous

(article reprenant la troisième partie de la thèse de Monsieur Jean-Philippe JACQUOT : Les Ă©lĂ©ments gĂ©nĂ©rateurs d’une relation optimale au cabinet dentaire, FacultĂ© de chirurgie dentaire, UniversitĂ© de Nancy I, 2007)

Les compĂ©tences techniques et l’expĂ©rience du praticien ne sont pas, ou ne sont plus, les seuls facteurs intervenant dans la rĂ©ussite d’un cabinet. Il est en effet indĂ©niable que la communication est un Ă©lĂ©ment essentiel pour construire et dĂ©velopper son cabinet aujourd’hui. L’accueil, la gentillesse, la disponibilitĂ© de toute l’Ă©quipe, la qualitĂ©, le confort et l’hygiène du cabinet, la capacitĂ© de crĂ©er des liens et de sĂ©duire ont Ă©galement une grande importance dans la constitution d’un vĂ©ritable attachement du patient. Si dès le premier rendez-vous ces impressions doivent ĂŞtre Ă©tablies, par l’environnement et la qualitĂ© du service dispensĂ© tant par le personnel que par le praticien, le second rendez-vous est crucial quant Ă  la confirmation de ces impressions et Ă  l’engagement rĂ©el du patient dans le traitement Ă  venir, et doit donc faire l’objet de la mĂŞme prĂ©paration et du mĂŞme degrĂ© de rĂ©flexion que le premier.

Le praticien utilise le dĂ©lai entre les deux sĂ©ances pour organiser l’information du patient sur son cas et prĂ©parer le matĂ©riel nĂ©cessaire Ă  l’argumentation (photographies et radios, schĂ©mas, moulages…) qui permettront d’optimiser et de communiquer :

• L’Ă©valuation de la pathologie et le diagnostic,

• Le type de réalisations prothétiques ou de traitement qui convient le mieux,

• Les solutions alternatives éventuellement acceptables,

• Les arguments destinés au choix de la solution idéale,

• Les objections prévisibles, formulées ou non, à éliminer par ses explications

• Le chiffrage prĂ©cis des honoraires et des modalitĂ©s de règlement (part remboursĂ©e, Ă©ventuels supplĂ©ments…)

Énoncé du diagnostic

Nous allons pouvoir commencer les explications de la panoplie des moyens de traitement dont nous disposons en nous appuyant sur des choix prioritaires. Si le patient n’avait pas formulĂ© clairement ses choix, des questions directives peuvent l’y aider : « PrĂ©fĂ©rez-vous une reconstruction dĂ©finitivement fixĂ©e aux dents ou un appareil tenu par des crochets qui sera dĂ©posĂ© pour le nettoyage après chaque repas ? ». Le choix de nos questions est destinĂ© Ă  faire exprimer par le patient lui-mĂŞme la solution que nous envisageons. Il est cependant indispensable d’apporter de brèves informations sur les diffĂ©rents moyens thĂ©rapeutiques disponibles.

L’abord des Ă©tapes suivantes est basĂ© sur la construction d’un message persuasif. Bellenger dĂ©finit quatre critères pour ce dernier :

• Être crédible : des preuves tangibles étayées par des supports sont propres à démontrer la réalité des considérations énoncées.

• Être cohérent : seul un discours logique et rigoureux, donc sans considération, apporte la cohérence démonstrative.

• Être construit : toute idée avancée doit respecter la continuité des arguments. La consistance du raisonnement se révèle aussi dans le comportement.

• ĂŠtre en phase avec autrui : l’Ă©coute et l’observation du patient apportent les renseignements qui permettent l’adoption d’une attitude faisant l’Ă©cho Ă  leurs attentes ou Ă  leurs capacitĂ©s.

Le praticien, investi de la confiance du patient, doit observer un devoir permanent de loyauté.

Présentation des observations

Il est primordial de communiquer nos observations au patient pour l’impliquer profondĂ©ment. Grâce aux clichĂ©s radiographiques, la mise en lumière de la pathologie sera renforcĂ©e. Le choc psychologique provoquĂ© par la visualisation des lĂ©sions est primordial pour que le patient devienne conscient des dĂ©gâts irrĂ©versibles. Les radiographies sont placĂ©es sur un nĂ©gatoscope. On apprend Ă  lire les clichĂ©s au patient afin qu’il comprenne ce que nous disons (« le noir reprĂ©sente le vide, le blanc cette obturation en amalgame ou cette couronne. Entre ces deux extrĂŞmes, il y a plusieurs gammes de gris : les dents, l’Ă©mail, le canal dentaire, l’os… Â»). Les radiographies sont indispensables au diagnostic et Ă  l’explication. Nous avons toujours Ă  portĂ©e de main une sĂ©rie de radiographies d’un sujet sain pour bien montrer les diffĂ©rences avec celles du patient, secteur par secteur.

Au cours de cet examen, on souligne les malpositions dentaires et, en particulier, les versions qui nĂ©cessiteront une correction prĂ©alable. On explique par exemple au patient que ce dĂ©placement est dĂ» Ă  l’absence de la dent voisine, et qu’afin de reconstruire son arcade dentaire correctement, il sera indispensable de rĂ©duire l’obstacle reprĂ©sentĂ© par ce bord plongeant que l’on montre. On indique ces mouvements Ă©galement sur les moulages montĂ©s sur articulateur.

L’analyse sur articulateur est une procĂ©dure intĂ©ressante pour informer, expliquer et Ă©duquer le patient. Le praticien se procure ainsi la possibilitĂ© de montrer les malpositions, l’Ă©tendue des zones Ă©dentĂ©es, l’absence de couples mastiquants, les rĂ©cessions, etc. La rĂ©alisation et l’Ă©quilibration des moulages faite en prĂ©sence du patient produit un impact indĂ©niable. Un autre avantage relève de la gestion : si le patient ne donne pas suite aux travaux prothĂ©tiques proposĂ©s et abandonne tout traitement, il sera possible de faire honorer le temps consacrĂ© Ă  l’Ă©tude du cas. Enfin, le montage sur articulateur entre dans le domaine du « faire-valoir ». Le patient est impressionnĂ© par le sĂ©rieux des prĂ©alables et par la compĂ©tence du praticien. Il dĂ©couvre, Ă  travers cette analyse, des indices sur le type de dentisterie pratiquĂ©e, bref sur l’image du cabinet.

Les panoramiques sont intĂ©ressantes pour illustrer l’explication des problèmes prothĂ©tiques. Cette vue d’ensemble montre parfaitement les zones Ă©dentĂ©es, les malpositions, etc.

L’utilisation de tous ces supports, pour exposer la bonne solution, dĂ©montre notre capacitĂ© Ă  prodiguer ce type de traitement (expĂ©rience) et rassure le patient (beaucoup de sujets craignent d’ĂŞtre le premier pour valider une technique). Il est, pour lui, sĂ©curisant de savoir que le terrain est dĂ©frichĂ© et de constater que les rĂ©sultats prĂ©visibles sont excellents. Après avoir dĂ©crit les conclusions de la rĂ©flexion du praticien, l’Ă©noncĂ© du diagnostic va ĂŞtre diffĂ©remment ressenti selon les cas cliniques, selon l’Ă©tat psychologique. Certains diagnostics ne crĂ©ent aucune surprise : le patient avait dĂ©jĂ  conscience de son Ă©tat bucco-dentaire. Pour d’autres cas, le sujet risque d’ĂŞtre traumatisĂ© car il Ă©tait aveugle. L’annonce de la nĂ©cessitĂ© d’une avulsion peut induire un vĂ©ritable choc, la rĂ©vĂ©lation d’une disgrâce esthĂ©tique peut rĂ©veiller des complexes d’infĂ©rioritĂ©, la dĂ©couverte d’une lĂ©sion prĂ©-cancĂ©reuse peut ĂŞtre Ă  l’origine de rĂ©actions sĂ©vères. Dans ce dernier cas, le tact, la prudence, la psychologie sont de mise. Nous devons envisager un nouvel angle d’approche et une stratĂ©gie « Ă©clairante » afin de justifier pleinement les rĂ©alitĂ©sannoncĂ©es. On associe les radiographies de la première consultation avec un nouvel examen buccal explicatif, miroir en main. C’est la procĂ©dure de dĂ©couverte en commun. En tout Ă©tat de cause, il est indispensable d’ĂŞtre clair, sans ĂŞtre brutal, pour que le patient connaisse sa situation et puisse participer aux dĂ©cisions puis au dĂ©roulement des phases thĂ©rapeutiques. Et ceci d’autant plus que son traitement implique une participation active et financière.

Ensuite, lorsqu’on a vĂ©rifiĂ© la perception des Ă©lĂ©ments pathologiques, il est souhaitable de dĂ©culpabiliser le patient : « Cette atteinte est surprenante. Vous ne pouviez pas deviner que les bactĂ©ries seraient aussi agressives. Nous allons vĂ©rifier avec de nouvelles radiographies la qualitĂ© de l’os rĂ©siduel. » Attention Ă  ne pas utiliser le terme lĂ©sion qui peut Ă©voquer une connotation cancĂ©rologique. Pendant cette phase prĂ©alable Ă  l’Ă©noncĂ© du diagnostic, nous devons veiller Ă  :

• Souligner les éléments positifs

Plus les Ă©lĂ©ments pathologiques sont nombreux, plus il est important de montrer l’existence d’Ă©lĂ©ments prĂ©servĂ©s. Par exemple : « Nous allons trouver les moyens de rĂ©tablir la santĂ© de vos dents qui seront toutes aussi belles que votre canine dont vous pouvez constater… ».

• Ne pas submerger le patient

L’excès d’informations a pour rĂ©sultat de nous livrer un patient assommĂ©, accablĂ©, voire dĂ©primĂ©. DĂ©couragĂ©, il risque d’abandonner en raison de l’Ă©normitĂ© des Ă©cueils. Lorsque nous soupçonnons une telle rĂ©action, il est souhaitable de se limiter Ă  un cadran ou Ă  un maxillaire et de grouper les constats.

• Ne pas créer de résistances

Lorsque nous parlons de pathologie, le patient voit en imagination la piqĂ»re, la fraise, le bistouri. Plus tĂ´t il sera rassurĂ©, plus nous aurons de chances de conserver son attention jusqu’Ă  la fin de la dĂ©monstration : « Certes, cette dent nĂ©cessite un traitement, mais je peux vous dire dès Ă  prĂ©sent que vous ne sentirez rien car nous avons la possibilitĂ© d’endormir cette rĂ©gion ». Le diagnostic n’est annoncĂ© que lorsque le patient est psychologiquement prĂ©parĂ© Ă  le recevoir.

Présentation du plan de traitement

En principe, nous connaissons la meilleure solution. Cette solution est celle que nous aurions choisie pour nous, dans les mĂŞmes circonstances cliniques. Parfois, il est cependant nĂ©cessaire de « censurer » la meilleure solution lorsqu’il est Ă©vident que le patient ne pourra pas y accĂ©der. La seule difficultĂ© est de la faire avaliser sur le plan financier. Toute rĂ©alisation prothĂ©tique notamment nĂ©cessite beaucoup plus qu’un simpleaccord spontanĂ©. La justification du traitement proposĂ©, la prise de consciencede sa complexitĂ©, de ses difficultĂ©s et donc des dĂ©penses induites, sont desĂ©lĂ©ments indispensables Ă  la sĂ©rĂ©nitĂ© future du patient face Ă  la dĂ©cision qu’il aprise.

L’analyse stratégique

Un praticien avisĂ© va adopter une stratĂ©gie de communication capable de lui procurer un exercice sans conflit et de rendre le patient heureux de la solution choisie. Face Ă  une situation clinique, notre vĂ©ritable problème n’est pas tant de dĂ©couvrir la meilleure solution que de la faire adopter par le patient. Toute solution de remplacement est un compromis avec ses parts de risques. Il n’est pas possible de s’en dĂ©charger sur le patient, mĂŞme s’il nous a imposĂ© son choix. Il est donc primordial d’entreprendre l’Ă©ducation du patient avant de le confronter au choix, afin que ce dernier ne soit pas dictĂ© par le montant de la dĂ©pense, mais par le souci d’Ă©viter les inconvĂ©nients. Les psychologues conseillent, en cas de choix difficile, de noter sur deux colonnes la liste des avantages et des inconvĂ©nients, afin de les visualiser pour les Ă©valuer comparativement.

La crĂ©dibilitĂ© de la solution s’appuie sur l’explication du cheminementde pensĂ©e qui nous a conduits Ă  ce choix. Une stratĂ©gie Ă©ducative peutcommencer par la solution la plus mauvaise avec ses avantages, sesinconvĂ©nients. Puis on passe aux suivantes selon ce schĂ©ma. Bien entendu, aucours de cette progression le nombre d’inconvĂ©nients diminue. Enfin, on termine par la « bonne Â» solution sans omettre les quelques petites restrictions qu’elle peutprĂ©senter : les messages prĂ©sentant des points restrictifs apparaissent crĂ©dibles et dignes deconfiance.

La prĂ©sentation de la bonne solution demande, comme on vient de le voir, une certaine technique de communication. Mais la durĂ©e de cette prĂ©sentation ne doit pas dĂ©passer un certain temps : les psychologues ont testĂ© l’efficacitĂ© des messages dĂ©livrĂ©s en fonction de leur durĂ©e et il apparaĂ®t qu’au-delĂ  de 18 minutes l’attention diminue. C’est pourquoi il est important d’avoir prĂ©parĂ©, Ă  portĂ©e de main, tout le matĂ©riel nĂ©cessaire Ă  l’argumentation et de dĂ©finir Ă  l’avance la stratĂ©gie des messages explicatifs. Par chance, les situations rencontrĂ©es sont assez rĂ©pĂ©titives et adaptables.

La sĂ©ance dĂ©bute par l’exposĂ© de la situation buccale au travers des radiographies, des moulages, etc. Cet Ă©tat des lieux est plus prĂ©cis que celui effectuĂ© auparavant au fauteuil et surtout plus parlant pour le patient. Ainsi toute explication de traitement est obligatoirement ancrĂ©e sur une

situation rĂ©elle, appartenant au patient : nous captons d’autant mieux son intĂ©rĂŞt qu’il s’agit de sa dent, de son cas. Les explications peuvent alors commencer.

L’explication peut ĂŞtre accompagnĂ©e d’un schĂ©ma, exĂ©cutĂ© devant le patient, au fur et Ă  mesure de la description. La vitesse des Ă©tapes se fait au rythme de la comprĂ©hension du patient. Si le schĂ©ma est prĂ©parĂ© Ă  l’avance ou terminĂ©, beaucoup de dĂ©tails importants Ă  saisir ne sont pas discernĂ©s. C’est le moment de souligner :

• Les difficultés de réalisation, la complexité de la solution définie spécialement pour lui

• Les réalisations individuelles, personnelles au patient

• La technologie de haut niveau employée pour le soigner

• Les matĂ©riaux et leurs avantages (aspect naturel, soliditĂ©, longĂ©vitĂ©…)

Il faut savoir que toute concession est sanctionnĂ©e par des inconvĂ©nients Ă  moyen ou long terme. Si le patient se rĂ©vèle incapable d’adopter la solution idĂ©ale pour lui, il sera alors temps de proposer une solution de compromis. Mais ce repli doit avoir Ă©tĂ© mĂ»rement rĂ©flĂ©chi afin de ne pas dĂ©truire notre crĂ©dibilitĂ©. En conclusion, quel que soit le temps passĂ© Ă  convaincre un patient d’opter pour la bonne solution, il n’excède jamais le temps passĂ© Ă  se dĂ©fendre après la survenue des difficultĂ©s ou objections.

La prĂ©sentation des Ă©tapes du traitement point par point est indispensable car notre objectif est de lui dĂ©montrer tout au long du traitement la rĂ©alitĂ© de son besoin, et la nĂ©cessitĂ© du traitement complet pour garantir sa rĂ©ussite. Il convient donc de rĂ©diger Ă  l’avance le plan de traitement exhaustif, comportant toutes les rĂ©alisations, un calendrier provisoire et le tarif total des soins proposĂ©s ainsi que les modalitĂ©s de règlement (part remboursĂ©e, facilitĂ©s de paiements Ă©ventuelles…)

Les signaux d’ouverture et de fermeture

Pendant toute la durĂ©e de l’exposĂ©, nous devons observer le patient et son comportement et tenter de dĂ©crypter les signaux d’ouverture et de fermeture. Ces signes indiquent l’impact de la prĂ©sentation, et l’intĂ©rĂŞt que porte le patient Ă  la solution qui est proposĂ©e. Les signaux d’acceptation s’expriment sur les deux plans de la communication : le verbal et le non-verbal, par exemple :

• Le patient revient sur un point de dĂ©tail du traitement (important ou mineur) et s’interroge :

« donc si on rĂ©alise cet appareil squelettĂ©, cela signifie … »

• Le patient formule une fausse objection pour se rassurer et/ou se convaincre : « bien sĂ»r, vous ne pouvez pas me garantir Ă  100 % que j’arriverai Ă  parler normalement tout de suite »

• Le patient se met Ă  manipuler les documents de proposition de plan de traitement et le matĂ©riel reprĂ©sentant sa future prothèse ; cela signifie qu’il travaille son dossier et valide mentalement sa dĂ©cision.

• Le patient devient silencieux : cela signifie qu’il est « entrĂ© en rĂ©union avec lui-mĂŞme. » Il convient de respecter ce temps stratĂ©gique et surtout de le laisser rompre le silence.

• Le patient a un changement d’attitude soudainement : « bon, très bien, passons aux choses sĂ©rieuses… ». En s’affirmant ainsi, il nous montre qu’il a pris sa dĂ©cision.

• Le patient consulte l’assistante pour l’aider Ă  statuer

• Le patient demande un complĂ©ment d’information quant Ă  notre engagement sur la garantie des travaux Ă  rĂ©aliser.

• Le patient parle et agit comme s’il Ă©tait dĂ©jĂ  en plein traitement. Il semble visualiser le rĂ©sultat qu’il obtiendra Ă  terme. Il devient maĂ®tre d’ouvrage et nous a choisis comme maĂ®tre d’Ĺ“uvre.

Après avoir recueilli les informations donnĂ©es par son attitude, nous connaissons sa rĂ©ponse. Si le patient accepte la solution idĂ©ale, on le remercie de sa confiance. On lui remet une fiche prĂ©sentant les diffĂ©rentes Ă©tapes de la rĂ©alisation de ses appareils et lui explique un peu celles-ci. On lui prĂ©sente le devis et les honoraires, et on recueille son consentement Ă©crit au traitement et aux modalitĂ©s de règlement. Par contre, s’il n’est pas totalement dĂ©cidĂ©, nous allons essayer d’aider le patient Ă  trancher.

Aide à la prise de décision

Suivant la majeure partie des Ă©tudes psycho-sociales, il existe trois moyens d’obtenir de quelqu’un la rĂ©alisation d’une tâche :

• Le commandement : l’utilisation de moyens de pression peut conduire un individu Ă  exĂ©cuter certaines tâches ou Ă  adopter certains comportements. HĂ©las, il faut compter avec la rĂ©sistance du sujet, et l’autoritĂ© impliquĂ©e doit ĂŞtre lĂ©gitime.

• La persuasion : toute personne douĂ©e dans ce domaine parvient Ă  convaincre son conjoint, sa famille, son personnel… par une succession d’arguments percutants, capables de lever hĂ©sitations ou oppositions. La persuasion exige une volontĂ© soutenue car dans la discussion, c’est souvent le plus tenace qui parvient Ă  ses fins.

• L’influence : cela consiste Ă  suggĂ©rer sa propre dĂ©cision personnelle pour obtenir d’un individu qu’il entreprenne ce qu’on souhaite le voir faire de sa propre volontĂ©. C’est sans conteste, une procĂ©dure plus efficace et plus stable que le commandement et la persuasion. De nombreuses expĂ©rimentations rĂ©alisĂ©es ont permis de dĂ©gager des comportements psychologiques majoritaires aboutissant Ă  des indications significatives : elles expliquent pourquoi des individus, autonomes et libres, agissent de manière uniforme. Plus clairement, ces personnes dĂ©cident de choisir, d’elles-mĂŞmes, ce qu’on leur a soufflĂ© sans qu’elles ne s’en aperçoivent vraiment.

Il existe plusieurs traits inconscients sur lesquels l’influence peut agir et plusieurs schémas d’influence :

– L’amorçage

Les Ă©tudes de Cialdini (1978) dĂ©montrent que les sujets tendent Ă  maintenir leur dĂ©cision initiale malgrĂ© les inconvĂ©nients et les diffĂ©rends apparus. Le phĂ©nomène d’amorçage repose sur

l’engagement du sujet dans la prise de dĂ©cision initiale.

• Exemple : des sujets choisissent entre deux produits A et B. Les premiers font leur choix en toute libertĂ©. Les autres sont influencĂ©s fortement dans leur dĂ©cision en recommandant le A car il est plus avantageux. Dans le premier groupe, la majoritĂ© prend A et dans le second, l’ensemble des participants. Après les dĂ©cisions, le produit A perd ses avantages et devient comme B. On observe après l’annonce que dans le premier groupe 70% maintiennent les dĂ©cisions alors que dans le second 60% changent.

Dans notre domaine, on utilise ce principe par exemple au travers de notre fiche « questionnaire mĂ©dical confidentiel » pour obtenir l’adhĂ©sion au programme d’hygiène. (« ĂŠtes-vous disposĂ© Ă  consacrer dix minutes par jour Ă  la prĂ©servation de votre santĂ© buccale ? »)

L’effet d’amorçage par cette dĂ©cision initiale, adoptĂ©e en toute libertĂ©, joue un rĂ´le capital dans les degrĂ©s suivants.

– L’effet de gel

Kurt Lewin a dĂ©montrĂ© que tout sujet a tendance Ă  se comporter en conformitĂ© avec une première dĂ©cision, prise en toute libertĂ©. L’exĂ©cution d’un premier comportement entraĂ®ne un effet d’adhĂ©rence Ă  la dĂ©cision prise. Ă€ travers ces Ă©tudes, apparaĂ®t l’existence, quasi universelle, d’un effet de persĂ©vĂ©ration dans la voie de dĂ©part. Cependant, une condition est indispensable : le sentiment de libertĂ©. Pour Kiesler (1971), il existe un lien entre l’individu et ses actes qu’il nomme la psychologie de l’engagement. Ce dernier a un effet bĂ©nĂ©fique sous la forme d’une stabilisation des conduites mais Ă©galement un effet pervers : l’escalade d’engagement. De nombreux exemples de l’existence d’une persĂ©vĂ©ration, dans une sĂ©rie de dĂ©cision, dĂ©coulant d’une dĂ©cision initiale.

• Exemple : L’agonie d’une automobile (Ă  partir de la première rĂ©paration sur une vieille voiture, on s’engage sans lâcher prise : « j’ai trop investi pour abandonner Ă  prĂ©sent. ») Dans la vie quotidienne, la vie des entreprises est truffĂ©e de dĂ©cisions qui dĂ©coulent du principe : « quand j’ai commencĂ© quelque chose, je vais jusqu’au bout. »

Dans notre domaine, les techniques conduisant Ă  un effet de persĂ©vĂ©ration seront employĂ©es en vue de faciliter des engagements durables : hygiène, succion digitale, bruxisme, etc. et pour assurer l’assiduitĂ© aux rendez-vous pour les traitements longs. Pour utiliser cet effet, il est nĂ©cessaire d’accentuer le sentiment de libertĂ© correspondant Ă  la prise de dĂ©cision initiale (l’acceptation du plan de traitement).

– Le pied-dans-Ia-porte

Ce pied-dans-la-porte illustre l’efficacitĂ© d’un premier engagement librement dĂ©cidĂ©, mĂŞme très minime, dans la persĂ©vĂ©rance après la dĂ©cision initiale. Quoique plus coĂ»teux, le second engagement est obtenu, par effet de gel, sans difficultĂ©s. Les Ă©tudes de Freeman et Fraser (1966) dĂ©montrent qu’une demande prĂ©alable très minime, ayant donnĂ© lieu Ă  une rĂ©ponse positive, amĂ©liore considĂ©rablement le succès par le phĂ©nomène d’engagement. La plupart de ces Ă©tudes n’ont pas utilisĂ© un dĂ©lai supĂ©rieur Ă  7-10 jours entre les deux requĂŞtes. L’individu doit pouvoir faire un lien entre les deux.

• Exemple : un sujet est sollicitĂ© pour la pose d’un Ă©norme panneau devant sa maison qui marque une opposition Ă  un projet. Le taux de rĂ©ponse est très faible. Par contre, on propose la pose d’un autocollant sur la voiture (amorçage) puis la proposition du panneau une semaine plus tard. Le taux de rĂ©ussite est 80%.

La dĂ©cision d’accomplir un acte banal, effectuĂ©e en toute libertĂ©, rend très probable une dĂ©cision ultĂ©rieure d’engagement pour des actes plus coĂ»teux. Il est aisĂ© de dĂ©terminer un premier engagement pour un acte thĂ©rapeutique de faible incidence financière, facilement acceptĂ© par le patient. Mais pour que la procĂ©dure soit effective, le patient doit formuler un accord personnel (amorçage) : « ĂŠtes-vous d’accord pour que nous traitons votre dent fracturĂ©e dès aujourd’hui ? » Le traitement est exĂ©cutĂ© avec attention et douceur pour dĂ©montrer nos capacitĂ©s et vaincre les rĂ©ticences du patient face Ă  la douleur. Pour la suite des traitements, l’accord du patient sera obtenu beaucoup plus facilement.

– L’Ă©tiquetage

Wegner et Wallacher (1984) proposent une thĂ©orie selon laquelle les personnes prĂ©fèrent donner un sens gĂ©nĂ©ral Ă  leur action. C’est le niveau d’identification ou Ă©tiquetage.

• Exemple : un Ă©tudiant annonce qu’il prĂ©pare son avenir plutĂ´t que d’indiquer qu’il rĂ©vise son examen.

L’engagement dans la conduite d’un traitement long et difficile est riche de circonstances favorables Ă  l’Ă©tiquetage. Ne jamais manquer de le souligner : « Madame X, je suis très sensible Ă  votre souhait de redresser vos dents qui dĂ©montre votre rĂ©flexion et votre volontĂ©. Vous faites partie des patients qui partagent notre idĂ©al de bonne santĂ© buccale, comme on souhaiterait en rencontrer plus souvent. »

– La porte-au-nez

Cette technique consiste Ă  formuler en premier lieu une proposition si coĂ»teuse (au propre ou au figurĂ©) qu’elle paraĂ®t inacceptable puis, sur le champ, une seconde proposition beaucoup plus raisonnable. Pour Cialdini, la diffĂ©rence de coĂ»t (en argent, en temps, en investissement personnel) entre les deux fait apparaĂ®tre la seconde comme une concession du demandeur. C’est pourquoi le sujet se sent conduit Ă  faire Ă©galement une concession en l’acceptant. Cela devient une concession rĂ©ciproque.

• Exemple : une Ă©tude sur la proposition d’accompagnement jusqu’Ă  l’Ă©cole des enfants handicapĂ©s tous les jours de la semaine (première demande Ă©norme) et une fois par semaine (deuxième demande raisonnable). Les rĂ©sultats positifs vont du simple au triple.

Pour les actes complexes, certaines reconstructions atteignent des valeurs considĂ©rables. Il faut donc adapter la bonne solution au patient. Celle-ci sera plus facilement acceptĂ©e que sa prĂ©sentation aura suivi la technique du porte-au-nez avec une première proposition « inacceptable Â».

– RĂ´le jouĂ© par les contacts physiques

Les Ă©tudes de Smith-Gier-Wilus (1982) montrent que le « toucher» amĂ©liore l’efficacitĂ© de la demande implicite d’amorçage et du pied-dans-la-porte.

• Exemple : dans un supermarchĂ©, l’expĂ©rimentateur propose de goĂ»ter un produit et demande d’attribuer une note sur 10. Dans une seconde expĂ©rience, il touche lĂ©gèrement l’Ă©paule ou l’avant-bras de la cliente. On remarque que l’acceptation de goĂ»ter est nettement supĂ©rieure dans la seconde. Par contre la note n’est pas diffĂ©rente. Le contact influence la curiositĂ© et la confiance initiale, mais pas l’apprĂ©ciation du produit.

Le « toucher » pour le praticien peut ĂŞtre la pose de la main sur l’Ă©paule pour accompagner le patient lors d’un dĂ©placement ou bien sĂ»r, la poignĂ©e de main. Ces contacts, chargĂ©s de cordialitĂ©, indiquent la sympathie et reflètent la fiabilitĂ©, et prĂ©parent la persuasion.

Présentation du devis

Il est primordial d’apporter un soin particulier Ă  la mise en forme du devis, afin de s’assurer de l’adhĂ©sion du patient Ă  la lĂ©gitimitĂ© de son montant. Avant d’aborder la prĂ©sentation des honoraires, nous devons clarifier notre rapport Ă  l’argent. La plupart des praticiens se voient opposer des refus essentiellement car ils sont mal Ă  l’aise au moment de cette prĂ©sentation. Pour Ă©viter cette situation, trois règles paraissent essentielles :

• réaliser des traitements de grande qualité,

• avoir des honoraires justifiés,

• être convaincus nous-même de la qualité de notre travail et de la légitimité de sa facturation

Il est recommandĂ© de prĂ©senter le devis dès le bilan rĂ©alisĂ© et la confiance du patient acquise. Un minimum de huit jours après la première consultation est un bon dĂ©lai pour revoir le patient. Quoiqu’il en soit le montant des honoraires ne doit pas ĂŞtre dĂ©voilĂ© avant cette seconde sĂ©ance. Parler trop tĂ´t d’argent est une grave erreur. Car, dans le cas d’une annonce prĂ©coce, le traitement sera toujours trop cher.

Le montant des honoraires indiquĂ© sur le descriptif est annoncĂ© oralement. On emploiera le terme investissement plutĂ´t que « prix Â» : une notion de temps est sous-entendue avec investissement. Nous devons Ă©viter de parler de tarif car ce terme sous-entend que le prix est le mĂŞme chez tous les praticiens et risque d’induire le patient en erreur.

La décision du patient

Le patient doit dĂ©cider d’accepter le devis après avoir dit oui Ă  la solution idĂ©ale. Suivant la situation et la personnalitĂ© du patient, il peut considĂ©rer cette dĂ©pense comme :

• Une dĂ©pense courante : elle ne nĂ©cessite pas de rĂ©flexion importante car elle est d’un niveau modeste et entre dans le budget courant. Dans ce cas, l’acceptation du devis ne pose pas de souci.

• Une dĂ©pense de prestige : elle impacte le budget mensuel voire annuel. Elle demande un amĂ©nagement financier (emprunt, prĂ©lèvement sur Ă©conomie, suppression des vacances, etc.). Dans ce second cas, la dĂ©cision sera plus longuement rĂ©flĂ©chie. II existe un profond besoin de contrĂ´ler si le « bon choix » sera fait au niveau de la qualitĂ©, de l’exĂ©cution, du prix. Grâce Ă  nos explications, Ă  nos connaissances, Ă  notre expĂ©rience, nous allons tenter d’effacer les craintes du patient de faire un mauvais choix :

– L’utilisation du rĂŞve

Pour augmenter la valeur de la bonne solution, l’utilisation du rĂŞve, du dĂ©sir plutĂ´t que de la nĂ©cessitĂ© peut dĂ©bloquer une situation d’indĂ©cision. En effet, si un bridge par exemple n’est qu’une construction destinĂ©e Ă  remplacer des dents absentes, sa valeur aux yeux du patient atteint difficilement le niveau des honoraires. Par contre, si la future rĂ©alisation parvient Ă  dĂ©velopper une idĂ©e de transformation de la personnalitĂ©, si elle induit le rĂŞve de sĂ©duction qui existe au fond de chaque ĂŞtre humain, sa valeur affective est portĂ©e Ă  un niveau beaucoup plus Ă©levĂ©. Les messages de soliditĂ©, d’esthĂ©tique, de fonction, de santĂ©, de conservation des dents sont des messages de fond, satisfaisant la raison. Si on y ajoute des messages de rajeunissement, de beautĂ©, de sĂ©duction, de rĂ©ussite sociale, notre projet devient indispensable. Sous l’emprise du dĂ©sir d’acquĂ©rir plutĂ´t que du besoin, la charge Ă©motionnelle est souvent plus forte que les prĂ©occupations d’en trouver le financement. Cependant, l’utilisation exclusive d’arguments Ă©motionnels pour agir sur la raison est dangereuse, car les Ă©motions sont Ă©phĂ©mères. Lorsqu’elles se sont dissipĂ©es, une rĂ©flexion plus approfondie risque de conduire le patient Ă  s’opposer au projet. C’est pourquoi il est important d’utiliser des arguments rationnels qui seront complĂ©tĂ©s par des arguments Ă©motionnels. On l’a dit, un patient bien convaincu ne change pas

facilement d’avis. Une dĂ©cision prise volontairement conditionne souvent les dĂ©cisions ultĂ©rieures. Le patient restera en conformitĂ© avec sa première dĂ©cision, voire orientera le traitement au-delĂ  de ce qui a Ă©tĂ© proposĂ©.

– CrĂ©er l’espoir

On est souvent surpris de la disproportion entre le niveau des revenus et le montant d’achats parfois futiles, sachant les privations qui en dĂ©coulent. Dans le classement des prioritĂ©s, la reconstruction esthĂ©tique d’une bouche n’arrive pas souvent en pĂ´le-position. Par exemple, le cadre supĂ©rieur dont le bateau de 16 mètres mouille au port de Cannes repousse rĂ©gulièrement depuis cinq ans les travaux prothĂ©tiques envisagĂ©s par « manque de finances disponibles ». L’absence de moyens financiers n’est que rarement l’Ă©lĂ©ment rĂ©ellement dĂ©terminant, c’est plutĂ´t l’absence de motivation qui prĂ©vaut. Il suffirait que le patient ressente un ardent dĂ©sir pour qu’il rĂ©amĂ©nage ses prioritĂ©s financières. Il existe un grand fossĂ© entre l’Ă©mergence d’un dĂ©sir et la volontĂ© de le rĂ©aliser. Très souvent, les envies sont fugaces et ne s’expriment mĂŞme pas, et restent du domaine du rĂŞve. Pour que le dĂ©sir apparaisse dans le champ de la volontĂ©, le sujet doit sentir qu’il existe un espoir de satisfaction. Cet espoir est le moteur qui mobilise l’individu. Tant que le patient n’a pas vu matĂ©riellement ce que nous pouvons rĂ©aliser, il ne possède pas de support rĂ©el Ă  son rĂŞve. Lorsque l’espoir est Ă©veillĂ©, nourri par notre argumentation et nos dĂ©monstrations, mĂ»ri par la rĂ©flexion et l’imagination du patient, le cheminement de pensĂ©e conduit au besoin. Et si l’on ne parvient pas Ă  Ă©veiller le besoin, le patient ne consentira pas aux sacrifices nĂ©cessaires au financement de la solution proposĂ©e.

Le consentement éclairé

Une fois la dĂ©cision du patient prise, nous devons lui faire signer le consentement Ă©clairĂ© tĂ©moignant que le patient a Ă©tĂ© informĂ© sur toutes les possibilitĂ©s thĂ©rapeutiques. Ce formulaire est un « papier Â» de plus pour le patient (questionnaire mĂ©dical, plan de traitement, fiches d’information, fiches spĂ©cifiques), mais ces diffĂ©rents documents sont surtout de prĂ©cieuses barrières de sĂ©curitĂ© en cas de contestation. Les conditions juridiques actuelles, engendrĂ©es par la jurisprudence de la Cour de cassation, nous imposent des obligations formelles en matière d’information. Le consentement Ă©crit reprĂ©sente une protection indispensable. Lorsqu’on Ă©difie des barrières de sĂ©curitĂ©, elles se doivent d’ĂŞtre assez hautes, solides et Ă©tanches pour assurer une bonne protection. En cas de conflit, il est impossible de dĂ©livrer la preuve formelle de la dĂ©livrance d’informations orales. Le patient peut de bonne foi avoir oubliĂ© les indications donnĂ©es, il peut utiliser ce prĂ©texte pour Ă©tayer ses revendications. Le consentement Ă©clairĂ© rĂ©digĂ© et signĂ© est le document capable d’apporter les informations indispensables au patient. L’ensemble des points doit Ă©voquer toutes les prĂ©cisions sur les donnĂ©es diagnostiques et thĂ©rapeutiques, afin d’assurer une information la plus complète possible. Il convient d’informer le patient, avant le traitement, mais aussi de façon continue pendant et après le traitement, en fonction de l’Ă©volution. Cette information est adaptĂ©e dans les termes les plus simples. La preuve de la dĂ©livrance est très importante. En effet, sans document, l’alĂ©a d’un dĂ©bat contradictoire avec le patient dĂ©pend totalement de l’apprĂ©ciation des juges. La signature du consentement Ă©clairĂ© garantit l’accord volontaire du patient au contrat de soins (contenu et montant) et la dĂ©livrance de l’information par le praticien.

Dès que le patient nous a donné son accord, les symptômes du désir sont visibles :

• Précipitation des questions

• Impatience (quand pourrons-nous commencer ?)

• Détente corporelle, sourire.

La rĂ©ponse positive est entĂ©rinĂ©e par la « cĂ©rĂ©monie » des signatures : l’exemplaire du plan de traitement que le patient peut garder et photocopier pour sa mutuelle ; la demande d’entente prĂ©alable que nous complĂ©tons des indications concernant notre identitĂ©. Cette demande est toujours Ă©tablie Ă  l’avance. Sa prĂ©paration anticipĂ©e renforce que notre proposition est d’Ă©vidence celle qui convient le mieux au cas. La signature du devis doit ĂŞtre programmĂ©e dans les minutes qui suivent l’accord du patient. Dès qu’il est signĂ©, il faut se taire. Tout argument ajoutĂ© ne peut que nuire Ă  la quiĂ©tude du patient et peut rĂ©veiller de nouvelles interrogations. Les modalitĂ©s de paiement peuvent ĂŞtre fixĂ©es immĂ©diatement ou remises Ă  la sĂ©ance suivante.

Après avoir signĂ© tous les documents, on se dirige vers la banque d’accueil oĂą l’on fixe un rendez-vous pour commencer le traitement. Celui-ci est donnĂ© dans un dĂ©lai d’une dizaine de jours. Ensuite, on remercie le patient de sa confiance et on le raccompagne jusqu’Ă  la porte du cabinet.

La conclusion gĂ©nĂ©rale sur ce dossier traitant des prĂ©occupations actuelles des chirurgiens-dentistes hors du champ mĂ©dical pourrait se rĂ©sumer Ă  la nĂ©cessitĂ© d’un recentrage sur le patient, qu’il s’agisse de notre logistique, de notre vision de la pratique ou de nos relations avec les patients et entre membres du cabinet. La plupart de nos patients veulent ĂŞtre Ă©coutĂ©s par tous les membres de l’Ă©quipe. Ils veulent que notre organisation place leur bien-ĂŞtre au centre de nos objectifs. Ils veulent ĂŞtre informĂ©s tout au long de leur passage dans notre structure (rappel de rendez-vous, diagnostic, plan de traitement, suivi des prestations, financement, remboursements…). Traditionnellement, les odontologistes reçoivent en facultĂ© une formation destinĂ©e au diagnostic, au traitement des affections bucco-dentaires et Ă  leurs consĂ©quences, permettant d’exĂ©cuter un nombre Ă©tendu et variĂ© de soins. Les perpĂ©tuelles Ă©volutions qui caractĂ©risent notre profession font obligation de rĂ©actualiser rĂ©gulièrement nos compĂ©tences techniques. Mais il apparaĂ®t de plus en plus Ă©vident que l’aspect relationnel et organisationnel de notre pratique quotidienne contribue Ă  la rĂ©ussite d’un traitement. Penser son cabinet en termes d’entreprise Ă  gĂ©rer, en termes de marque Ă  mettre en valeur Ă©galement, Ă©tablir une communication fondĂ©e sur le respect des patients et inspirĂ©e par le serment d’Hippocrate, deviennent des nĂ©cessitĂ©s premières dans notre profession.

Certes, nous ne sommes pas, et ne serons jamais des experts ni en communication, ni en marketing, ni en psychologie, mais nous devons communiquer efficacement entre nous et avec nos patients pour amĂ©liorer leur prise en charge. Il existe pour faciliter cette communication et cette gestion des recettes et des techniques de vente et de management applicables au service mĂ©dical, mais la loi fondamentale demeure d’Ă©couter l’autre, de comprendre sa demande, de la respecter et de la satisfaire au mieux de ses intĂ©rĂŞts. Ainsi, peut-ĂŞtre, pourra-t-on abolir le traditionnel « menteur comme un arracheur de dents », au profit d’un nouveau paradigme de type « attentionnĂ© comme un chirurgien-dentiste Â»…