Cet article est basé sur le livre de Tom Hopkins : La vente
Principes et stratégies applicables à la négociation des plans de traitement
Le dentiste est avant tout est un praticien de santé. Mais le manque de formation commerciale et une certaine réticence à endosser pleinement le rôle de chef d’entreprise pourtant inhérent à la pratique de toute activité de service, même médical, sont autant d’écueils qui freinent le développement et le succès d’un cabinet, quelles que soient par ailleurs les qualités professionnelles du praticien. Dans son ouvrage La Vente, Tom Hopkins, commercial devenu millionnaire avant trente ans, formateur et auteur de plusieurs best-sellers pratiques, propose diverses pistes de réflexions permettant la mise en place d’une politique commerciale efficace même dans le domaine si particulier du service médical.
Il convient d’entrée de jeu d’éliminer un mythe tenace : non, l’aptitude commerciale n’est pas un don inné. Imaginez que vous deviez disputer une partie de tennis contre un tennisman professionnel, alors que vous n’avez jamais touché une raquette. Inutile de vous détailler le résultat dès le premier service. Imaginez maintenant que ce tennisman professionnel, même disposant d’un « don inné » pour ce sport, ait finalement choisi adolescent de pratiquer la natation alors que vous commenciez le tennis, pour lequel vous n’aviez pas spécialement de facilités ou de don. Mais des années d’apprentissage, des milliers de balles frappées vous garantiraient cette fois la victoire contre lui dans le même cas de figure. La vente est un métier qui comme toute tâche nécessite un système d’apprentissage minutieux. Cinq principes doivent régir cet apprentissage pour qu’il soit efficace et être acquis dans la mise en place de toute démarche de formation :
– l’impact : ne perdez jamais de vue le vue le « pourquoi » de chacune de vos dĂ©marches. Ă€ chaque Ă©tape, Ă chaque nouvel Ă©lĂ©ment emmagasinĂ©, appris, expĂ©rimentĂ©, rappelez-vous rĂ©gulièrement les raisons pour lesquelles vous avez choisi de l’acquĂ©rir, ce qu’il va apporter Ă votre pratique, ce que vous en attendez. (Pourquoi est-ce que j’ai choisi le tennis ? Pourquoi est-ce que je tape la balle de cette façon sur tel coup et d’une autre sur tel autre ?)
– la rĂ©pĂ©tition : c’est la clef de tout apprentissage. C’est en rĂ©pĂ©tant inlassablement une donnĂ©e que vous l’intègrerez. C’est en rĂ©Ă©crivant, en rĂ©pĂ©tant et en affinant sans cesse une prĂ©paration d’entretien, de rendez-vous de diagnostic ou de proposition de plan de traitement que vous maĂ®triserez la conversation et qu’elle vous deviendra naturelle. (Plus je pratique, mĂŞme contre un mur, plus mes coups sont prĂ©cis. « Naturel » ne signifie pas « improvisĂ© », mais « maĂ®trisĂ© !).
– l’organisation : la rigueur et la maĂ®trise de son temps sont indispensables Ă l’acquisition de tout talent, y compris commercial. Planifiez, alternez l’acquisition de connaissances pures et leur mise en pratique suivant un plan dĂ©fini. (Je ne peux pas me contenter d’un entraĂ®nement par mois si je veux pouvoir acquĂ©rir un niveau sĂ©rieux, j’intègre donc mes entraĂ®nements Ă ma vie quotidienne Ă un rythme soutenu).
– l’intĂ©riorisation : c’est l’étape qui intervient naturellement si les trois premiers principes ont Ă©tĂ© correctement appliquĂ©s. Ă€ force de rĂ©flexion et de rationalisation, puis de rĂ©pĂ©tition et de maĂ®trise, les principes appris deviennent rĂ©flexes acquis, et sont partie intĂ©grante de votre personnalitĂ© et non plus Ă©lĂ©ments artificiels extĂ©rieurs. (Je suis Ă prĂ©sent capable de frapper la balle sans hĂ©siter et de savoir exactement oĂą et Ă quelle vitesse elle rebondira).
– la rĂ©actualisation : il s’agit de la constance, peut-ĂŞtre l’élĂ©ment le plus difficile Ă appliquer sur le long terme. Une fois un Ă©tat d’esprit acquis, une mĂ©thode, une stratĂ©gie intĂ©grĂ©es, il est primordial d’être capable de la rĂ©interroger sans cesse, et que son intĂ©gration ne soit pas synonyme de suffisance et d’oubli des trois premiers principes : rĂ©flexion, rĂ©pĂ©tition, prĂ©sence concrète dans son emploi du temps. (Si j’arrĂŞte de m’entraĂ®ner ou de me souvenir que c’est en frappant la balle de telle manière qu’elle ira Ă gauche et que je me repose sur mes matchs gagnĂ©s, je redeviendrai mĂ©diocre en quelques mois.)
Ces bases étant posées, voici quelques-unes des stratégies éprouvées et conseils proposés par Hopkins aisément transposables la négociation de plans de traitements.
La préparation
Cela peut sembler évident, mais le pendant du mythe du « commercial-né » est souvent l’écueil de l’improvisation. Non, une conversation « naturelle » n’est pas improvisée, on ne se laisse pas « porter » par l’entretien. Un entretien productif et maîtrisé doit être minutieusement préparé, vos phrases elles-mêmes définies, répétées, mises en situation afin de devenir une seconde nature. Seule cette préparation dans les moindre détails, par écrit, puis un entraînement en jeu de rôle par exemple, qu’il s’agisse de votre connaissance maximale de l’interlocuteur qui va vous faire face comme de votre propre discours, de la structure de l’entretien ou des objections possibles, vous permettra de rebondir et d’ancrer chez le patient la certitude que vous avez étudié son cas particulier avec soin et que la proposition avancée lui est personnelle, adaptée, et la meilleure possible.
L’art de poser les bonnes questions
L’un des éléments incontournables de toute discussion visant à convaincre un interlocuteur de quelque chose est l’utilisation d’un questionnement, meilleur moyen tant d’inclure l’interlocuteur dans sa démonstration que de générer un accord de principe en posant les bonnes questions. Que sont les bonnes questions ? Pour simplifier, elles sont de deux types : celles auxquelles le patient va répondre « oui », ce qui crée une dynamique positive et un élan d’accord avec vous (questions fermées qu’il convient d’utiliser uniquement en vue d’obtenir ces « oui » préalables), et celles, ouvertes, qui vous permettent d’apprendre des informations pertinentes qui pourraient vous manquer en début d’entretien sur le patient lui-même, son fonctionnement émotionnel, son environnement, ses moteurs de décision (informations manquantes que vous aurez bien évidemment identifiées et listées en amont).
Concernant les questions fermĂ©es, Hopkins Ă©voque ce qu’il appelle de façon imagĂ©e « la technique du lasso », c’est-Ă -dire un questionnement sous forme de perche tendue qui permet de gĂ©nĂ©rer des sĂ©ries d’assentiments mineurs prĂ©figurant l’accord final. Le « coup de lasso » simple par exemple fera appel Ă des locutions en fin de phrase de type « n’est-ce pas ? vous ĂŞtes d’accord ? c’est aussi votre opinion ? » etc. Le « coup de lasso » inversĂ© placera ces locutions interrogatives en dĂ©but de phrase (ne pensez-vous pas Ă©galement, n’est-il pas Ă©vident que, vous savez que c’est un fait reconnu etc.). Le « coup de lasso » intĂ©grĂ© consiste Ă rendre implicite la question (après la pose d’un appareil de ce type, vous pouvez sans peine imaginer Ă quel point sourire redevient naturel / manger de la viande redevient possible…). Enfin le « coup de lasso » rĂ©flĂ©chi consiste Ă rebondir sur tout Ă©lĂ©ment positif verbalisĂ© par le patient lui-mĂŞme (je ne vous le fais pas dire, je suis heureux de vous l’entendre dire, c’est bien mon avis…).
De même, les questions ouvertes doivent être pensées de façon à obtenir la réponse précise à la question posée, sans trop de marge de digression pour le patient afin d’éviter de basculer dans le tout-informel et de perdre de vue l’objectif de l’entretien, ou de remettre le patient en position de réflexion plutôt que d’action. Dans ce cas de figure, Hopkins préconise l’utilisation de propositions alternatives (« préférez-vous que l’intervention ait lieu en début ou en fin de semaine » par exemple plutôt que « quand souhaiteriez-vous reprendre rendez-vous ») ou la technique du « retour à l’envoyeur ». Cette dernière méthode peut sembler périlleuse, puisqu’il s’agit de répondre à une question par une nouvelle question, mais peut en réalité s’avérer redoutablement efficace concernant la levée d’objections voire pour conclure : un patient qui vous dit « mais vous ne recevez pas après 18 heures, si ? » si vous négociez un plan de soin à long terme impliquant plusieurs rendez-vous, vous livre peut-être la clef de sa décision. Lui répondre « si bien sûr » entraîne la recherche instinctive d’une nouvelle objection, tandis que lui répondre « c’est l’horaire le plus pratique pour vous avec vos obligations ? » a trois effets : montrer votre intérêt pour son bien-être et ses impératifs, suggérer que même si tel n’est pas le cas un « traitement de faveur » est envisageable, et en tirer la conclusion que si cet obstacle est surmonté il n’existera plus aucune autre raison de ne pas consentir au plan proposé.
GĂ©rer le rejet
L’un des attributs primordiaux Ă acquĂ©rir est celui de la gestion du rejet. Qu’il s’agisse de la confrontation avec un patient hostile (car malheureusement, oui, cela existe, et certains patients sont convaincus que vous n’êtes lĂ que pour leur soutirer un engagement Ă des soins coĂ»teux et pas indispensables) ou d’un refus dĂ©finitif pour des motifs insurmontables (rĂ©elle incapacitĂ© financière, impossibilitĂ© de surmonter la peur de la douleur…), vous devrez faire face Ă ce « non » qui vous heurte. Il est ainsi important d’intĂ©grer le fait qu’un plan non signĂ©, un entretien conclu sur un refus ne sont pas des Ă©checs personnels, et ne signifient pas nĂ©cessairement une faille dans votre prĂ©paration, un manque dans vos aptitudes. Il est statistiquement impossible de signer l’ensemble des patients auxquels vous proposerez des soins, mĂŞme avec la certitude que c’est ce qu’il y a de mieux pour leur santĂ©, que votre cabinet est le plus Ă mĂŞme de le leur apporter et que vous avez menĂ© l’entretien impeccablement. Relativiser s’apprend. En rire est primordial, lorsque la situation a Ă©tĂ© particulièrement tendue. Apprenez Ă analyser ces refus, et Ă distinguer ce qui aurait pu ĂŞtre amĂ©liorĂ©, ce qui peut encore l’être, de ce qui est hors de votre contrĂ´le et qui ne doit jamais vous faire remettre en cause vos capacitĂ©s. RĂ©pĂ©tez-vous ces cinq principes face Ă l’échec d’une nĂ©gociation :
– un Ă©chec n’est jamais un Ă©chec. C’est une expĂ©rience riche d’enseignements.
– je dĂ©couvre dans chaque insuccès de nouvelles donnĂ©es pouvant ĂŞtre rĂ©utilisĂ©es.
– chaque situation tendue est l’occasion de monitorer et d’aiguiser mon sens de l’humour.
– j’apprĂ©cie Ă sa juste valeur chaque occasion de m’amĂ©liorer.
– un Ă©chec n’est jamais un Ă©chec. Ce n’est qu’une manche dans la partie plus vaste que je joue.
En effet, en termes de pourcentages, un patient non convaincu n’est pas un échec. Les deux, trois, dix suivants convaincus suite aux enseignements tirés de ce refus sont la réussite de l’ensemble des entretiens concernés, refus inclus.
Prospection directe versus recommandations
Le choix de ses patients-cibles et une identitĂ© de son propre cabinet clairement dĂ©finie sont deux Ă©lĂ©ments primordiaux dans la rĂ©ussite de toute stratĂ©gie de dĂ©veloppement. Cette notion est pourtant l’une des plus difficiles Ă intĂ©grer, tant il est naturel de vouloir tenter de convenir Ă tout le monde, dans toutes les situations. Que d’énergie perdue, et que de budget sacrifiĂ© ainsi Ă une communication vague, gĂ©nĂ©raliste, qui se dilue Ă force de vouloir couvrir plus de surface et occulte vos vraies spĂ©cificitĂ©s ! Il est ainsi indispensable en prospection directe, d’abord de s’autoĂ©valuer et dĂ©cider une fois pour toute de ses propres spĂ©cificitĂ©s, de dĂ©terminer avec honnĂŞtetĂ© et luciditĂ© ses propres points forts, spĂ©cialitĂ©s, facilitĂ©s, avant de procĂ©der Ă une vĂ©ritable sĂ©lection, de dĂ©finir prĂ©cisĂ©ment qui est votre patient idĂ©al, d’apprendre Ă le connaĂ®tre et Ă ne s’adresser qu’à lui. Il convient ensuite de connaĂ®tre son secteur, sa concurrence, le fonctionnement annuel des « cycles de dĂ©mangeaison » (c’est-Ă -dire les pĂ©riodes propices Ă la prospection et celles plus dĂ©licates en fonction de sa cible et des vacances, fĂŞtes, Ă©vènements…)
Il est Ă©galement indispensable de soigner tout particulièrement sa politique de recommandations et les patients potentiels qui en sont issus : en effet ces patients vous parviennent dĂ©jĂ influencĂ©s positivement, dĂ©jĂ intĂ©ressĂ©s par ce que vous avez Ă proposer et dĂ©jĂ soumis Ă un argumentaire favorable (par un proche, un autre praticien…) leur ayant convenu puisqu’ils sont lĂ aujourd’hui !
Dans un cas de figure comme dans l’autre, la connaissance de l’interlocuteur est la clef d’un rendez-vous productif et d’un entretien réussi, et la prise en compte de la personnalité du patient, de son contexte socio-économique, de son âge, de sa situation familiale etc. une étape majeure de la préparation à réaliser en amont qui accentuera l’aisance et le naturel de la conversation proprement dite.
De l’importance du contact téléphonique
On ne le dira jamais suffisamment, l’accueil téléphonique des prospects et des patients est un des rôles majeurs dans le fonctionnement du cabinet et dans l’expérience-patient associée à votre cabinet ; ce métier ne s’improvise pas, pas plus qu’il n’est secondaire ou subalterne. Ce poste nécessite une formation sérieuse et de nombreux ouvrages y consacrent une large part. Quelques constantes sont à relever :
– un nombre de sonneries rĂ©duit
– une intonation chaleureuse et souriante (oui, le sourire s’entend !)
– un rĂ©el investissement dans la conversation (la personne qui rĂ©pond ne doit jamais donner l’impression qu’elle a mieux Ă faire)
– courtoisie et patience (on n’interrompt pas l’interlocuteur, on conserve toujours un ton Ă©gal et agrĂ©able, on prend le temps de rĂ©pondre Ă l’ensemble des points Ă©voquĂ©s)
– une rĂ©elle maĂ®trise de la conversation (la personne en charge sait conserver le fil de la conversation et la maĂ®trise de sa durĂ©e)
– l’obtention du nom, des coordonnĂ©es de l’appelant ainsi que d’un rendez-vous concret en personne
– l’utilisation du nom de l’interlocuteur ainsi obtenu dès le dĂ©but de l’échange, qui personnalise vraiment la conversation et crĂ©e un sentiment de rapprochement
– un suivi de chaque appel. Au rendez-vous suivant, il doit ĂŞtre tenu compte de chaque appel du patient, de ce qui s’est dit lors de la conversation, et il est proscrit de faire reprendre par le patient chaque information qu’il a dĂ©jĂ fournie au risque de le laisser penser qu’on n’a absolument pas tenu compte de ses prĂ©cĂ©dents contacts ou qu’il existe un problème de circulation de l’information et donc de communication entre les diffĂ©rents intervenants de l’équipe.
La présentation
La présentation de votre argumentaire, on l’a dit, doit être minutieusement préparée. N’hésitez pas à vous créer une fiche-type qui soutiendra vos entretiens, contenant à la fois les informations déjà acquises, les informations à acquérir lors de la première partie de l’entretien, les arguments pertinents envisagés pour ce patient, et les objections prévisibles accompagnées de leur réponse.
Par exemple :
Nom – prénom _________________________
Ă‚ge et situation de famille ________________
Profession : ____________________________
Lieu de vie et de travail :__________________
Motif du rendez-vous :____________________
Informations à acquérir : ___________________
Type de plan ou d’intervention envisagé :______
Arguments en faveur de ce plan :_____________
Objections possibles :______________________ / RĂ©ponses : _______________________
L’argumentation ne doit jamais se présenter sous forme de monologue mais doit appeler la participation active du patient. Elle se déroule en trois temps : l’annonce de ce que vous avez à dire, ce que vous avez à dire, la synthèse de ce que vous venez de dire. Dans ces trois mouvements vont s’intégrer divers éléments au soutien de votre argumentaire :
– la levĂ©e des objections doit ĂŞtre anticipĂ©e et maĂ®trisĂ©e pour intervenir après que vous ayez exposĂ© votre argumentaire
– il est toujours conseillĂ© d’utiliser des supports visuels (photographies, schĂ©mas, tableaux) Ă l’appui de ce que vous ĂŞtes en train d’expliquer, mobilisant ainsi d’autres parties de l’attention du patient, simplifiant la comprĂ©hension et permettant une meilleure retenue des informations
– le temps d’attention moyen d’un interlocuteur est de 17 minutes maximum. EntraĂ®nez-vous et chronomĂ©trez vos entretiens-tests au prĂ©alable en jeux de rĂ´les par exemple pour demeurer sous cette barre
– adaptez votre langage Ă votre interlocuteur et prĂ©voyez plusieurs versions de votre argumentaire avec des niveaux et tonalitĂ©s de langue diffĂ©rents, afin de pouvoir fonctionner en miroir avec votre interlocuteur.
La première impression
Aussi évident que cela puisse sembler, vous n’aurez qu’une seule fois l’opportunité de faire une bonne première impression. Bien que de nombreux facteurs hors de votre contrôle puissent entrer en ligne de compte (humeur ou environnement du patient ce jour-là , inconscient mémoriel du patient sur une ressemblance, une odeur etc.) une préparation là encore en amont peut vous permettre de maîtriser autant que faire se peut cette première impression à l’arrivée de votre patient :
– soignez le lieu oĂą se dĂ©roule l’entretien, propretĂ©, sobriĂ©tĂ©, odeur agrĂ©able, absence de nuisances sonores
– souriez. Mais souriez vraiment. Le sourire est le signal le plus communicatif du message que vous voulez faire passer Ă votre patient, le meilleur outil pouvant le rassurer et lui dire « tout va bien ».
– regardez votre patient dans les yeux et appelez-le par son nom
– soyez conscient de votre propre première impression afin d’adapter instantanĂ©ment votre formule d’accueil (que vous aurez lĂ encore pensĂ©e en amont, en au moins trois variantes allant du formel au cordial)
– au risque que ce geste ne soit perçu comme une intrusion, ne serrez la main d’un patient que si c’est le patient lui-mĂŞme qui tend la sienne
– si le patient est accompagnĂ© (parents, conjoints…), dĂ©terminez rapidement s’il demeure le dĂ©cisionnaire ou si l’accompagnant est en rĂ©alitĂ© la personne Ă convaincre, afin d’adapter votre argumentaire au dĂ©cisionnaire rĂ©el
La gestion des objections
C’est une phase cruciale de tout argumentaire. Il existe fondamentalement deux types d’objections, mineures et majeures, qui ne seront pas levées de la même manière. En réalité, les objections mineures relèvent uniquement d’un mécanisme de défense et d’une tentative de gagner du temps afin de réfléchir et reprendre temporairement le contrôle de la situation pour le patient qui, n’étant pas en situation d’expert mais de sollicité, craint toujours à un niveau plus ou moins conscient de « rater » quelque chose, ou d’être manipulé. Ces objections mineures sont celles qui reviennent le plus souvent, aisément prévisibles en amont et pour lesquelles vos réponses sont invariables et brèves (s’il ne faut ignorer aucune objection, il est en revanche proscrit d’accorder trop d’importance à celles-ci, au risque de se « couper l’herbe sous le pied » et d’envoyer au patient un signal négatif lui indiquant que son objection irréfléchie et de principe est en réalité un problème sérieux et récurrent).
Une objection même majeure doit impérativement être perçue non pas comme un obstacle, mais comme un encouragement, sous forme de demande d’information supplémentaire déguisée. Avant de préciser ce qu’il convient de faire, trois erreurs à ne pas commettre :
– ne discutez jamais. Il s’agit, on l’a dit, de rĂ©pondre Ă une demande d’information supplĂ©mentaire dĂ©guisĂ©e et non d’une joute verbale oĂą votre Ă©rudition et votre position rĂ©fĂ©rentielle vont Ă©craser la mĂ©connaissance du patient. Ă€ dĂ©faut, vous sortirez « vainqueur » de la conversation, mais pas de la nĂ©gociation !
– ne contrez pas une objection par une attaque. Vous contrez un concept, une idĂ©e, pas la personne qui vous fait face.
– n’imposez pas votre explication mais amenez le patient Ă contrer lui-mĂŞme sa propre objection. Concernant les objections rĂ©flexes (mineures), c’est d’ailleurs la plupart du temps naturel pour peu que vous lui en laissiez le temps (« Je travaille jusqu’après vos horaires de fermeture, je ne pourrai pas venir rĂ©gulièrement… – Vraiment ? Ce sont des horaires très contraignants, cela ne doit pas ĂŞtre facile. – Oui je fais beaucoup d’heures…mais j’ai mes mardis après-midi une fois par mois en compensation, ça pourrait coller… » etc.)
Avec en tête ces conseils et la liste anticipée de toutes les objections possibles :
– prenez le temps d’écouter. Ne cĂ©dez pas Ă l’écueil de vouloir montrer Ă quel point vous ĂŞtes prĂ©parĂ© et sĂ»r de vous au risque de paraĂ®tre fĂ©brile et d’accorder trop d’importance Ă l’objection, tout en donnant l’impression au patient que vous tentez de minimiser son ressenti en ne le laissant mĂŞme pas finir. Par ailleurs Ă©couter vous permettra souvent de cerner le vĂ©ritable problème, une vĂ©ritable objection justifiĂ©e masquĂ©e par les objections-rĂ©flexes (difficultĂ©s financières, peur de la douleur…) et vous permettra d’amener le patient Ă reconsidĂ©rer ses moteurs dĂ©cisionnels (en rĂ©alitĂ© je ne suis pas bloquĂ© par le prix, je suis terrifiĂ© Ă l’idĂ©e d’avoir mal mais je n’ose pas le dire…)
– abondez dans le sens de l’objection. Reconnaissez la validitĂ© de la rĂ©flexion de votre patient ou demandez-lui de dĂ©velopper, d’expliciter sa pensĂ©e. Si l’objection n’est pas en soi valable ou qu’elle est fausse, dites par exemple « je comprends parfaitement que vous puissiez penser cela, mais… » plutĂ´t que « non, pas du tout » ou « vous vous trompez ». Si elle est justifiĂ©e, admettez-la et compensez-la par un bĂ©nĂ©fice supĂ©rieur pour le patient (« effectivement, le montant est important et une grande part reste Ă charge, mais nous pouvons envisager un règlement en plusieurs mensualitĂ©s… »)
– assurez-vous de l’impact de votre rĂ©ponse et ne laissez pas l’objection en suspens (« ce point est plus clair pour vous maintenant ? Vous ĂŞtes donc d’accord avec moi, nous avons bien cernĂ© cette difficultĂ© ? Ce point est-il bien rĂ©solu pour vous ? »)
– marquez concrètement le passage Ă la suite (en changeant de position dans votre siège par exemple, en tournant la page de votre dossier de fiches ou du visuel en cours, en l’actualisant verbalement par une locution-type « bien, passons Ă … revenons donc Ă … »)
Savoir conclure
Vous avez donc, par vos questionnements maîtrisés, obtenu l’accord de principe du patient sur le fait que la solution proposée est la meilleure pour lui, adaptée et personnalisée, et levé l’ensemble de ses objections. Il convient désormais de conclure avant que le patient ne reparte en mode « réflexion » sous peine de rater le moment décisionnel. La difficulté dans le cadre d’une prestation médicale par rapport à la vente pure d’un produit concret consiste en la nécessité d’actualiser l’engagement du patient, qui « n’achète » pas de « produit ». C’est pourquoi il est impératif de ne pas se contenter d’un engagement verbal mais d’obtenir un engagement ferme du patient, par exemple en lui faisant signer un récapitulatif de la procédure envisagée, de son coût et des modalités d’intervention, de règlement et de remboursement par les divers organismes concernés, et en fixant le prochain rendez-vous. Forgez-vous une liste de questions-tests vous permettant de connaître le moment propice (« nous sommes donc d’accord, on part sur les mardis 16H00 ? ») et soyez attentifs aux signaux envoyés par le patient (un patient qui vous demande « dans combien de temps l’appareil sera-t-il prêt » réagit déjà en propriétaire, répondez au futur et concluez : « il sera prêt le 12, je vous programme pour le 14, vous préférez le matin ou l’après-midi ? »).
MĂ©thodes additionnelles
Il arrive, malgré votre préparation et vos aptitudes à mettre en œuvre une stratégie réfléchie et maîtrisée, que l’entretien se conclue par un refus net. Nous avons évoqué plus tôt l’état d’esprit à acquérir et la conduite à tenir face à cet insuccès temporaire. Mais il arrive également qu’il s’achève par cette formule frustrante et décourageante : « je vais réfléchir ». Il reste alors une dernière méthode à tenter avant de renoncer (temporairement, encore une fois, puisqu’il sera impératif de recontacter ce patient dans un délai raisonnable afin de s’assurer que la « réflexion » est en cours ou aboutie et qu’il ne s’agissait pas d’une dernière temporisation).
D’abord, une fois encore valorisez la demande du patient et profitez de l’opportunitĂ© de passer une dernière fois en revue l’ensemble des arguments positifs qui ont reçu l’approbation du patient durant la discussion : « bien sĂ»r, ce n’est pas une intervention Ă dĂ©cider Ă la lĂ©gère, mĂŞme si vous convenez avec moi que bĂ©nĂ©fice1, bĂ©nĂ©fice 2… peut-ĂŞtre souhaitez-vous revenir sur ce point ?). Cette Ă©tape vous permettra parfois de dĂ©nicher la dernière et rĂ©elle objection, qui n’a peut-ĂŞtre pas Ă©tĂ© levĂ©e complètement (nous en revenons Ă ce problème d’avance / de reste Ă charge n’est-ce pas ?) et de montrer au patient que vous avez Ă©tĂ© attentif Ă son point de vue et ses prĂ©occupations. Interrogez-le de nouveau (« Souvenez-vous que nous pouvons très bien valider un paiement en trois fois, comme je vous l’ai indiquĂ©, y a-t-il une difficultĂ© particulière ou que je n’ai pas comprise ? – Eh bien malgrĂ© le paiement fractionnĂ© c’est vrai qu’avec la rentrĂ©e scolaire ce mois-ci… – Bien sĂ»r. Je pense que nous pouvons attendre un mois de plus, je vous programme pour dĂ©but octobre alors ? » etc.)
Une autre stratĂ©gie, Ă n’utiliser en fin d’entretien qu’avec les patients dont vous pensez d’ores et dĂ©jĂ qu’ils ne signeront pas, est celle de l’argumentaire par la nĂ©gative. C’est une technique pĂ©rilleuse mais qui peut ĂŞtre efficace avec certains types de patients : il s’agit de limiter les critères d’attribution de la proposition et de mettre finalement en doute la capacitĂ© du patient Ă ĂŞtre Ă©ligible Ă tel traitement ou soin (disponibilitĂ© limitĂ©e, traitement mal supportĂ© par les personnes plus sensibles, traitement onĂ©reux purement esthĂ©tique ou de confort…) afin de l’amener Ă vouloir en bĂ©nĂ©ficier par esprit de contradiction, et Ă vous dĂ©montrer, de lui-mĂŞme, qu’il peut et doit bĂ©nĂ©ficier de ce soin.
Le suivi et la fidélisation
Il ne s’agit pas de se dire que le travail est terminé lorsque le patient a signé son plan de traitement et pris son prochain rendez-vous. Au-delà de l’évidence qui suppose que vos soins, matériels, techniques etc. sont effectivement à la hauteur des promesses posées (prérequis à toute réussite commerciale), le suivi de vos patients, de leur expérience globale avec votre cabinet est la pierre angulaire de leur fidélisation et de la génération de leurs recommandations à leur entourage, éléments indispensables à votre réputation et à votre succès professionnel à long terme. Questionnaires de satisfaction, appel à avis ou commentaires public, réponse aux réclamations ou remarques, messages écrits personnels de remerciement, de vœux, sont autant d’actions incontournables et riches d’enseignements, et pouvant en outre venir s’intégrer à votre argumentaire comme caution de votre sérieux professionnel et de vos qualités humaines, afin de fonder une véritable relation individuelle et personnelle avec vos patients dépassant pour eux le cadre purement médical. Vos patients sont vos meilleurs commerciaux. Ne l’oubliez jamais.
En conclusion, Hopkins rappelle que la gestion de son temps et une rigueur administrative à toute épreuve sont indispensables à la mise en place d’une véritable stratégie commerciale quelle que soit l’activité concernée. Ce rappel est d’autant plus pertinent dans le cadre du fonctionnement d’un cabinet dentaire, où le nombre de tâches est doublé compte-tenu de votre double casquette de praticien et chef d’entreprise. Il rappelle également qu’il est important de ne jamais négliger sa vie personnelle, son hygiène de vie, sa disponibilité pour ses proches, au profit de son activité, sans quoi la réussite pour laquelle vous aurez produit tant d’efforts, investi tant de temps et de moyens, perdrait tout son sens. Ne gagnez pas pour gagner, qu’il s’agisse d’argent ou de patients, et souvenez-vous que les chiffres ne sont que des chiffres s’ils ne traduisent pas une vie plus libre, plus passionnée, plus pleine de gratifications non matérielles que le confort pécuniaire doit permettre sans devenir un but en soi. Sachez identifier ce but clairement, par écrit, garder à l’esprit constamment ce que vous attendez de la vie, pourquoi, pour qui, et vous y référer sans cesse, le reformuler, l’ajuster, afin que le succès professionnel serve votre but et non que votre vie serve le succès matériel.