ConsidĂ©rĂ© par beaucoup comme un Machiavel moderne, Robert Greene, auteur amĂ©ricain analyste des notions de pouvoir, de sĂ©duction et de manipulation, centre ses rĂ©flexions sur lâadaptation des plus grandes leçons historiques Ă la vie quotidienne, du monde de lâentreprise Ă la gestion des relations personnelles et professionnelles.
Dans un premier temps, nous nous sommes intĂ©ressĂ©s Ă lâouvrage « StratĂ©gie, les 33 lois de la guerre », qui parcourt plusieurs siĂšcles dâhistoire militaire et de stratĂ©gies applicables en-dehors du champ de bataille, ou, plus prĂ©cisĂ©ment, sur le nouveau champ de bataille allĂ©gorique que forment notamment le monde du travail, lâentreprenariat et la compĂ©titivitĂ©. Il a vocation Ă armer le lecteur de connaissances pratiques qui donneront les moyens de garder lâavantage face aux conflits du quotidien. Chaque chapitre porte sur un problĂšme spĂ©cifique auquel nous sommes rĂ©guliĂšrement confrontĂ©s. Comment se battre avec une armĂ©e sous-motivĂ©e ? Peut-on Ă©viter de gaspiller de lâĂ©nergie en combattant sur plusieurs fronts ? Comment rĂ©duire le gouffre entre ce que lâon avait prĂ©vu et la rĂ©alitĂ© ? Comment se tirer dâun piĂšge ? Il ne sâagit pas de doctrines ou de formules Ă appliquer, mais de points de repĂšre pour se lancer dans un combat, quel quâil soit, de graines qui, bien plantĂ©es, feront germer le stratĂšge qui sommeille en chacun de nous. Trois grands axes sous-tendent cet ouvrage :
– Les fondamentaux que sont la guerre contre soi-mĂȘme, la guerre en Ă©quipe et la guerre dĂ©fensive (stratĂ©gies 1 Ă 11)
– La guerre offensive (stratĂ©gies 12 Ă 22)
– La guerre non conventionnelle (ou guerre « sale ») (stratĂ©gies 23 Ă 33)
TroisiĂšme partie : La guerre non conventionnelle
Un bon gĂ©nĂ©ral doit constamment chercher Ă avoir lâavantage sur son adversaire. La meilleure façon reste celle de la surprise : frapper lâennemi au moyen dâune stratĂ©gie nouvelle quâil nâa jamais subie, totalement « anti-conventionnelle ». Toutefois, il est dans la nature de la guerre quâavec le temps, toute stratĂ©gie soit essayĂ©e et testĂ©e. La recherche de la nouveautĂ© et de « lâanti-conventionalitĂ© » est donc nĂ©cessairement de plus en plus extrĂȘme. ParallĂšlement, les codes moraux et Ă©thiques qui gouvernaient lâart de la guerre pendant des siĂšcles se sont petit Ă petit relĂąchĂ©s. Ces deux Ă©lĂ©ments ont inĂ©vitablement conduit Ă ce que lâon appelle la « guerre sale », oĂč tout peut arriver, jusquâĂ la mise Ă mort de milliers de civils innocents. La guerre sale est politique, basĂ©e sur le mensonge, et avant tout manipulatrice. Câest souvent le dernier recours des faibles et des dĂ©sespĂ©rĂ©s, qui se servent de tous les moyens disponibles pour arracher la victoire. Cette dynamique du sale sâest infiltrĂ©e dans toute la sociĂ©tĂ© et la culture au sens large. Quâil sâagisse de politique, dâaffaires ou de social, le meilleur moyen de battre son adversaire est de le surprendre, de lâattaquer sous un angle nouveau. Les pressions croissantes de ces guerres quotidiennes font que les stratĂ©gies sales sont inĂ©vitables. Les hommes sont obligĂ©s dâĂȘtre doubles : ils paraissent doux et gentils, mais usent en coulisses de mĂ©thodes tortueuses et sournoises. La guerre non conventionnelle a sa propre logique, ses propres rĂšgles, quâil faut bien intĂ©grer. Dâabord, rien ne reste nouveau trĂšs longtemps. Lorsque votre succĂšs dĂ©pend de votre capacitĂ© Ă innover, vous devez renouveler vos idĂ©es en permanence pour aller Ă lâencontre de la doxa du temps. En outre, il est particuliĂšrement ardu de lutter contre quelquâun qui emploie des mĂ©thodes non conventionnelles. Les moyens directs, classiques â la force et la coercition â, ne fonctionnent pas. Pour le vaincre, vous devez utiliser contre lui des mĂ©thodes indirectes, combattre le mal par le mal, mĂȘme sâil faut pour cela vous montrer parfois aussi sale que votre adversaire. Si vous essayez de rester propre par pure moralitĂ©, vous irez droit Ă lâĂ©chec.
Loi 23 : Ălaborez un savant mĂ©lange de vrai et de faux â âLes stratĂ©gies de perceptionâ
Ce que Greene nous en dit : Nul ne peut survivre sans voir ou comprendre ce qui se passe alentour. Il vous faut donc empĂȘcher vos ennemis de savoir ce quâil advient autour dâeux, y compris ce que vous faites. Nourrissez leurs attentes, fabriquez-leur une rĂ©alitĂ© Ă la mesure de leurs dĂ©sirs, et ils se duperont tout seuls.
Ce quâon en retient :
ContrĂŽlez la perception de la rĂ©alitĂ© de votre adversaire afin de pouvoir le contrĂŽler. Les AlliĂ©s finirent par piĂ©ger Hitler en usant de suÂperÂcheÂries et de mensonges subtils, des fausses nouvelles et des « tuyaux » contradictoires. La paranoĂŻa dâHitler fit le reste : : au lieu de faire confiance Ă son instinct et de prendre des dĂ©cisions rapides, il tentait dĂ©sormais de parer Ă chaque Ă©ventualitĂ©, de tout prĂ©voir. Il devenait bien moins rĂ©actif. Il pensait que Rommel et Runstedt, qui avaient demandĂ© plus de troupes en France, Ă©taient beaucoup trop prudents, au bord de la panique. Il devait dĂ©jouer lui-mĂȘme lâinvasion alliĂ©e ; il devait faire avec les faiblesses de ses gĂ©nĂ©raux et dĂ©celer tout seul les tromperies de lâennemi. Mais sa masse de travail fut inĂ©vitablement multipliĂ©e par dix, et il sây Ă©puisait. Il se mit Ă prendre des somnifĂšres pour dormir, et Ă peu prĂšs nâimporte quoi le jour pour rester sur le pied de guerre, ce qui finit par aboutir au DĂ©barquement. Façade, camouflage, piĂšges et dĂ©sinformation sont les clefs de cette stratĂ©gie nĂ©anmoins dĂ©licate. Pour Ă©viter dâĂȘtre dĂ©masquĂ©, Ćuvrez avec la plus grande prudence, la plus minutieuse utilisation du rĂ©el sans se perdre dans des scĂ©narios peu crĂ©dibles, et le minimum de complices.
La mise en garde : Il est extrĂȘmement dangereux de se faire prendre la main dans le sac. Si vous ignorez que vous ĂȘtes dĂ©couvert, lâennemi a soudain beaucoup plus dâinformations que vous, et câest alors vous qui devenez son jouet. DĂ©masquĂ© aux yeux du public, votre rĂ©putation en souffrira lourdement, ou pire encore : les espions sont sĂ©vĂšrement punis par la loi. Vos supercheries doivent donc ĂȘtre menĂ©es dans la plus grande prudence : employez le moins de personnes possible pour Ă©viter les fuites. PrĂ©voyez toujours une sortie de secours, une couverture qui vous protĂ©gera si cela tourne mal. Attention Ă ne pas vous laisser entraĂźner par le pouvoir de la manipulation : il ne faut sâen servir que dans le cadre strict dâune stratĂ©gie et en garder le contrĂŽle. Si lâon vous dĂ©couvre manipulateur, montrez-vous direct et honnĂȘte. Cela brouillera les pistes : on ne saura plus que croire et votre honnĂȘtetĂ© deviendra la meilleure des supercheries.
Loi 24 : Soyez imprĂ©visible â âLa stratĂ©gie du contre-piedâ
Ce que Greene nous en dit : Les hommes sâattendent Ă ce que votre comportement sâinscrive dans des conventions et des schĂ©mas quâils connaissent. En tant que stratĂšge, votre tĂąche est de sortir du champ du connu. Commencez par vous comporter de façon ordinaire, afin quâils se fassent une certaine image de vous. Ensuite, quand les voilĂ bien lancĂ©s sur cette fausse piste, câest le moment de les frapper par lâextraordinaire. Lâeffet de surprise dĂ©multiplie la frayeur. Câest parce quâil est inattendu, que lâordinaire devient parfois extraordinaire.
Ce quâon en retient :
Cette nĂ©cessitĂ© constante de se renouveler a donnĂ© lieu Ă lâapÂpaÂriÂtion du principe de âguerre non convenÂtionÂnelÂleâ. Cette dynamique est, certes, particuliĂšrement apparente dans les questions militaires, mais elle sâest aussi rĂ©pandue dans tous les aspects des activitĂ©s humaines. En politique ou en affaires, si votre adversaire ou votre concurrent emploie une stratĂ©gie nouvelle, vous devez lâadapter Ă vos propres buts ou, mieux, en inventer une encore plus efficace. Sa tactique autrefois nouvelle devient conventionnelle et finalement inutile. Notre sociĂ©tĂ© est extrĂȘmement compĂ©titive : lâun des deux camps finit toujours par avoir recours Ă une stratĂ©gie sale, qui dĂ©passe les bornes de lâacceptable. Si, par souci de moralitĂ© ou par fiertĂ©, vous refusez dâentrer dans cette spirale, vous perdez inĂ©vitablement lâavantage. Hannibal demeure, de toute lâAntiquitĂ©, le maĂźtre absolu de lâart du non-conventionnel. Lorsquâil attaqua les Romains sur leurs propres terres, il nâavait pas en tĂȘte de prendre Rome ; câeĂ»t Ă©tĂ© impossible. Son but Ă©tait plutĂŽt de semer la panique dans la pĂ©ninsule italienne et de saper les alliances de Rome avec les citĂ©s-Ătats voisines. Affaiblie Ă domicile, Rome serait obligĂ©e de laisser Carthage tranquille et de mettre un terme Ă sa politique dâexpansion. Pour parvenir Ă semer la panique au moyen de la petite armĂ©e avec laquelle il avait traversĂ© les Alpes, Hannibal devait surprendre Ă chaque coup. Psychologue avant lâheure, il avait compris quâun ennemi pris par surprise perd toute discipline quand il se sent menacĂ©. Ainsi, Hannibal prenait-il toujours la route par oĂč les Romains lâattendaient le moins : celle des Alpes, par exemple, Ă©tait considĂ©rĂ©e comme totalement impraticable et nâĂ©tait donc pas gardĂ©e. AprĂšs cet Ă©pisode, les Romains essayĂšrent de se prĂ©parer Ă lâattendre sur la route la plus difficile : pour les surprendre, il fallait donc passer par la voie la plus Ă©vidente, comme Ă Allifae. Lors dâune bataille, Hannibal attirait lâattention de lâennemi par un assaut frontal, comme cela se faisait dans lâAntiquitĂ©. Il provoquait ensuite un coup de thĂ©Ăątre, avec un troupeau dâĂ©lĂ©phants ou une force de rĂ©serve qui attaquait par lâarriĂšre. Lors de ses raids dans la campagne aux alentours de Rome, il Ă©vita dĂ©libĂ©rĂ©ment les propriĂ©tĂ©s de Fabius pour donner lâimpression quâil collaborait, et ainsi forcer le dictateur, gĂȘnĂ©, Ă passer Ă lâaction : le Carthaginois se servit lĂ , de façon tout Ă fait nouvelle, des moyens politiques et extramilitaires. Lors de la bataille de Cannes, alors que les Romains sâattendaient, cette fois, Ă une nouvelle astuce non conventionnelle, Hannibal exĂ©cuta son stratagĂšme Ă la lumiĂšre du jour, alignant son armĂ©e comme nâimporte qui Ă lâĂ©poque. Les troupes romaines Ă©taient excitĂ©es par lâintensitĂ© du moment et le dĂ©sir de revanche. Il les laissa dĂ©libĂ©rĂ©ment avancer en son centre particuliĂšrement faible, oĂč elles se concentrĂšrent. Puis, les extrĂ©mitĂ©s carthaginoises, trĂšs mobiles, se rejoignirent pour les prendre en tenaille. Les victoires sâenchaĂźnĂšrent ainsi les unes aprĂšs les autres, chaque manĆuvre fleurissant de la prĂ©cĂ©dente, en faisant constamment alterner la surprise et le banal, lâimplicite et lâĂ©vident. Vous gagnerez un pouvoir considĂ©rable en adaptant la mĂ©thode dâHannibal Ă votre propre quotidien. Servez-vous de votre connaissance de la psychologie et de la pensĂ©e dâautrui pour calculer les mouvements auxquels il sâattend le moins : on ne peut se dĂ©fendre contre ce que lâon nâattend pas.
La mise en garde : Il nây a jamais aucun intĂ©rĂȘt Ă attaquer lâennemi de la façon Ă laquelle il sâattend : il nâen rĂ©sistera que mieux. Cette stratĂ©gie nâa pas dâexception.
Loi 25 : Occupez le terrain de la moralitĂ© â âLa stratĂ©gie de la vertuâ
Ce que Greene nous en dit : Dans un monde rĂ©gi par la politique, la cause pour laquelle vous combattez doit paraĂźtre plus juste que celle de votre ennemi. Visez les points faibles de son image dans lâopinion publique, pointez du doigt ses hypocrisies et ses mensonges. Si vous ĂȘtes vous-mĂȘme attaquĂ© sur le plan moral par un adversaire particuliĂšrement malin, ne geignez pas et ne vous mettez pas en colĂšre ; mais combattez le mal par le mal.
Ce quâon en retient :
Attaquez votre adversaire sur le plan moral en dĂ©fendant une cause plus juste que la sienne, ou en dĂ©plaçant le conflit sur sa personne plutĂŽt que sa position. En publiant ses Quatre-vingt-quinze ThĂšses en 1517, Luther a rĂ©ussi Ă discrĂ©diter lâĂglise de Rome et Ă remettre en question le pouvoir absolu du pape LĂ©on X. Si vous optez pour cette stratĂ©gie, veillez cependant Ă ĂȘtre irÂrĂ©ÂproÂchable et ne cherchez pas Ă servir vos intĂ©rĂȘts personnels. Et lorsque vous rĂ©alisez que vous ĂȘtes attaquĂ© par un guerrier moral, il est impĂ©ratif que vous gardiez le contrĂŽle de vos Ă©motions. Si vous vous plaignez ou que vous explosez, vous vous mettez sur la dĂ©fensive, comme si vous aviez quelque chose Ă cacher. Le guerrier moral est un excellent stratĂšge ; la seule rĂ©action efficace est dâĂȘtre aussi bon que lui. Dans la sociĂ©tĂ© dâaujourdâhui, les apparences et la rĂ©putation font loi. Si vous les abandonnez Ă lâennemi, vous lui abandonnez de fait une position de force. Une fois que le combat sâest engagĂ© sur le terrain moral, luttez pour occuper ce terrain comme sur un vĂ©ritable champ de bataille.
La mise en garde : Une attaque morale comporte un danger intrinsĂšque : si les gens dĂ©tectent vos intĂ©rĂȘts cachĂ©s sous vos discours vertueux, ceux-ci vont les dĂ©goĂ»ter et les faire fuir. Ă moins dâĂȘtre face Ă un ennemi particuliĂšrement brutal, servez-vous de cette stratĂ©gie avec finesse, sans trop en faire. Les conflits moraux sont des conflits publics : il faut en mesurer continuellement les effets et se montrer attentif aux circonstances pour accĂ©lĂ©rer ou ralentir le rythme.
Loi 26 : Masquez la cible â âLa stratĂ©gie du videâ
Ce que Greene nous en dit : Pour la majoritĂ© de personnes, la sensation de vide, de silence, dâisolement social est intolĂ©rable. Ne laissez Ă votre ennemi aucune cible Ă viser, soyez dangereux mais insaisissable, invisible. Regardez-le battre la campagne sans vous trouver. Au lieu de vous livrer Ă un combat frontal, lancez des piques irritantes et dommageables, des piqĂ»res dâĂ©pingle.
Ce quâon en retient :
La sensation de vide est inÂsupÂporÂtable pour lâĂȘtre humain. Aussi, infligez Ă votre adversaire le silence, lâinÂacÂtiÂvitĂ©, la solitude pour lâanĂ©antir. Ce fut la stratĂ©gie adoptĂ©e par Alexandre Ier contre NapolĂ©on durant la campagne de Russie. Pratiquant la politique de la terre brĂ»lĂ©e et esquivant le combat, le Tsar entraĂźna pendant des mois lâarmĂ©e de NapolĂ©on dans des terres stĂ©riles et des villes dĂ©peuplĂ©es, tout en la forçant Ă une inaction qui lui fut funeste. La force de ce type de guĂ©rilla est avant tout psychologique. Dans une guerre conventionnelle, tout converge vers un affrontement face Ă face des deux armĂ©es. Câest ce vers quoi tendent toutes les stratĂ©gies et ce vers quoi lâinstinct martial pousse tous les belligĂ©rants, pour relĂącher la pression. Le stratĂšge de guĂ©rilla repousse indĂ©finiment cette attente et engendre ainsi un sentiment dâintense frustration. Ce processus de corrosion mentale se prolongeant, il finit par dĂ©truire lâennemi. NapolĂ©on perdit face aux Russes parce que ses capacitĂ©s de rĂ©flexion stratĂ©gique furent anĂ©anties : son mental succomba avant son armĂ©e. Parce quâelle est psychologique, la stratĂ©gie de guĂ©rilla sâapplique Ă lâinfini aux conflits sociaux. Ă la guerre comme dans la vie, toute pensĂ©e et toute Ă©motion aspirent Ă lâinteraction avec autrui. Face Ă quelquâun qui se montre dĂ©libĂ©rĂ©ment insaisissable, qui Ă©vite le contact, nous sommes dĂ©concertĂ©s. Que lâon veuille lâatteindre pour discuter ou pour lui donner une bonne leçon, il attire inĂ©vitablement, et câest donc celui qui fuit qui contrĂŽle la dynamique
La mise en garde : Il est extrĂȘmement difficile de contre-attaquer face Ă une stratĂ©gie de guĂ©rilla, et câest bien ce qui la rend aussi efficace. Si vous vous retrouvez face Ă un tel adversaire et que vous vous servez de mĂ©thodes conventionnelles, vous ĂȘtes un jouet entre ses mains. Dans ce type de guerre, il ne sert Ă rien de gagner des batailles et dâobtenir des territoires. La seule stratĂ©gie valable est de prendre le contre-pied de la guĂ©rilla, dâen neutraliser les avantages. Il faut alors refuser Ă lâadversaire le temps et lâespace dont il a besoin pour ĂȘtre efficace. Il faut lâisoler, physiquement, politiquement et moralement. Et, surtout, ne rĂ©pondez jamais graduellement en lĂąchant vos forces de maniĂšre progressive, comme le firent les Ătats-Unis lors de la guerre du Vietnam. Avec un tel adversaire, votre seule chance de salut est de remporter une victoire rapide et dĂ©cisive. Si cela vous paraĂźt impossible, mieux vaut vous retirer tant quâil est encore temps, avant de vous laisser embourber dans la guerre interminable dans laquelle lâennemi tente de vous attirer.
Loi 27 : Donnez lâillusion de travailler dans lâintĂ©rĂȘt des autres â âLa stratĂ©gie de lâallianceâ
Ce que Greene nous en dit : La meilleure façon de faire progresser vos intĂ©rĂȘts en fournissant peu dâefforts et sans rĂ©pandre de sang est de vous crĂ©er un rĂ©seau dâalliances en constante Ă©volution. Servez-vous des autres pour compenser vos faiblesses, faire le sale travail, combattre Ă votre place. ParallĂšlement, travaillez Ă dissoudre les alliances des autres, Ă affaiblir vos ennemis en les isolant.
Ce quâon en retient :
Choisissez vos alliĂ©s de maniĂšre Ă combler les fissures de votre position et servir vos intĂ©rĂȘts, comme le fit le roi Louis XI pour se dĂ©barrasser de son ennemi Charles le TĂ©mĂ©raire et sâapÂproÂprier le duchĂ© de Bourgogne, en le forçant par dâhabiles manĆuvres Ă attaquer les Suisses dont il avait fait depuis longtemps des alliĂ©s, et quâil savait efficaces et redoutables et bien plus Ă mĂȘme de dĂ©truire Charles que sa propre armĂ©e.
La mise en garde : Attention, il est certaines personnes avec lesquelles lâalliance est dangereuse. On les reconnaĂźt au harcĂšlement dont elles sont capables : elles font le premier pas, essaient de vous aveugler par des offres allĂ©chantes et des promesses merveilleuses. Pour que lâon ne se serve pas de vous sans que vous nâayez rien en retour, cherchez clairement les bĂ©nĂ©fices tangibles que vous tirerez de ce rapprochement. Sâils vous semblent douteux ou difficiles Ă obtenir, rĂ©flĂ©chissez-y Ă deux fois avant de conclure lâalliance. Renseignez-vous sur les prĂ©cĂ©dents alliĂ©s de la personne, sur sa cupiditĂ©, ses rapports aux autres. MĂ©fiez-vous de ceux qui parlent bien, qui sont charmants, qui font de grands discours sur lâamitiĂ©, la loyautĂ©, lâaltruisme : les beaux parleurs ne sont pas les payeurs. Ne vous laissez jamais distraire de vos intĂ©rĂȘts.
Loi 28 : Tendez Ă vos ennemis la corde pour se pendre â âLa stratĂ©gie de la dominationâ
Ce que Greene nous en dit : Les pires dangers ne viennent pas de vos ennemis les plus Ă©vidents, mais de ceux qui sont censĂ©s ĂȘtre de votre cĂŽtĂ©, ces collĂšgues et amis qui prĂ©tendent Ćuvrer pour la mĂȘme cause que vous, mais qui vous sabotent et volent vos idĂ©es dans leur intĂ©rĂȘt personnel. Mettez ces rivaux sur la dĂ©fensive, faites-les douter, sâinquiĂ©ter. Poussez-les Ă se « pendre » en vous servant de leurs tendances autodestructrices ; vous en sortirez blanc comme neige.
Ce quâon en retient :
Vos ennemis se cachent peut-ĂȘtre parmi des gens en qui vous avez confiance. IdenÂtiÂfiez-les et brisez-les en toute discrĂ©tion. Pendant la guerre de SĂ©cession, le gĂ©nĂ©ral Grant avait compris que son subordonnĂ© John McClernand complotait contre lui et cherchait Ă le discrĂ©diter aux yeux du PrĂ©sident Lincoln. McClernand Ă©tait le type dâhomme qui ne pense quâĂ sa carriĂšre, qui sâapproprie les idĂ©es des autres, qui complote dans leur dos pour sa propre gloire. Grant allait devoir se montrer prudent : McClernand Ă©tait populaire, câĂ©tait un charmeur. Lorsque Grant comprit que McClernand voulait lui prendre la campagne de Vicksburg, il ne chercha pas Ă sâen plaindre ni Ă lui parler, et prĂ©fĂ©ra passer directement Ă lâaction. Il savait McClernand bouffi de suffisance. Il nâen serait que plus facile Ă mettre en colĂšre. En prenant les recrues de son subordonnĂ© qui, techniquement, Ă©taient les siennes, tout en assurant ses arriĂšres avec un tĂ©lĂ©gramme informant le PrĂ©sident, Grant poussa McClernand Ă rĂ©agir de façon excessive. AuprĂšs des autres militaires, ce comportement dâinsubordination caractĂ©risĂ©e serait trĂšs mal vu. Il apparaĂźtrait clairement Ă toute lâarmĂ©e quâil se servait de la guerre pour ses intĂ©rĂȘts personnels. Lorsque McClernand eut repris Ă Sherman le commandement de ses troupes, Grant nâeut plus quâĂ attendre. Il savait quâun homme aussi vaniteux et dĂ©testable se ferait haĂŻr des autres officiers ; ceux-ci viendraient forcĂ©ment se plaindre de lui Ă Grant qui, en officier responsable, nâaurait quâĂ transmettre les plaintes Ă sa hiĂ©rarchie, sans se mouiller lui-mĂȘme. Il traita McClernand avec la plus grande politesse, tandis que McClernand rĂ©agissait de la pire façon possible, avec une avalanche de lettres Ă Lincoln et Ă Stanton. Grant savait que Lincoln en avait plus quâassez des petites querelles qui pourrissaient le haut commandement de lâUnion. Grant travaillait tranquillement Ă perfectionner ses plans pour prendre Vicksburg, tandis que McClernand se montrait mesquin et colĂ©rique. Les diffĂ©rences entre les deux hommes Ă©taient plus quâĂ©videntes. Une fois cette bataille remportĂ©e, il laissa McClernand se suicider socialement avec ses plaintes inconsidĂ©rĂ©es Ă la presse. Dans vos batailles du quotidien, vous rencontrerez souvent des McClernands, des personnes apparemment charmantes mais traĂźtresses. Ăvitez de les affronter directement ; elles sont trĂšs douĂ©es en politique. Mais il peut ĂȘtre assez facile et trĂšs efficace de leur faire perdre les pĂ©dales.
La mise en garde : Il est parfois prĂ©fĂ©rable dâĂȘtre direct quand, par exemple, vous avez lâoccasion dâĂ©craser vos ennemis par la tactique de lâencerclement. Mais dans les relations du quotidien, la meilleure stratĂ©gie est souvent de faire perdre ses moyens Ă lâadversaire. On a tendance Ă croire quâun affrontement ouvert a un effet thĂ©rapeutique, et il est souvent tentant de jouer lâintimidation. Mais le bĂ©nĂ©fice momentanĂ© que vous tirerez dâune approche directe sera vite annulĂ© par les soupçons quâun tel comportement aura Ă©veillĂ©s dans votre entourage ; vos collĂšgues sâinquiĂ©teront dâĂȘtre un jour malmenĂ©s de la mĂȘme façon. Sur le long terme, il importe plus de rester agrĂ©able et de sauver les apparences. Les bons courtisans sont toujours des parangons de charme et de politesse ; ils cachent une main de fer dans un gant de velours.
Loi 29 : Progressez Ă petits pas â âLa stratĂ©gie du fait accompliâ
Ce que Greene nous en dit : Si vous paraissez trop ambitieux, vous attisez lâanimositĂ© des autres. Un arrivisme trop Ă©vident ou un succĂšs trop rapide Ă©veillent la jalousie, la mĂ©fiance et le soupçon. Il est souvent prĂ©fĂ©rable de progresser Ă petits pas, de sâapproprier de petits pans de terrain sans Ă©veiller le moindre soupçon. Lorsquâils sâen rendront compte, il sera dĂ©jĂ trop tard.
Ce quâon en retient :
Progressez sans attirer lâattention, pour avoir une longueur dâavance et imposer vos conditions sans concerÂtaÂtion prĂ©alable. En rejoignant lâAnÂgleÂterre en juin 1940, le gĂ©nĂ©ral de Gaulle nâavait quâune obsession : restaurer lâhonneur de la France. Pourtant, il ne pouvait dĂ©voiler cet objectif sans ĂȘtre pris pour un fanatique. Il se devait donc de progresser Ă couvert, en dissimulant ses intentions. Alors que de Gaulle Ă©tait en Angleterre depuis quelques heures Ă peine, lâarmĂ©e française signa la paix avec les Allemands. Le mĂȘme soir, de Gaulle prĂ©senta son plan Ă Churchill : il voulait sâadresser Ă tous les Français fidĂšles Ă la France libre sur les ondes de la BBC. Il voulait les soutenir et les motiver afin quâils ne perdent pas courage. Il voulait aussi demander Ă tous ceux qui Ă©taient en Angleterre de le contacter. Churchill nâĂ©tait guĂšre enthousiaste. Il ne voulait en aucun cas offenser le nouveau gouvernement français, avec lequel il aurait probablement Ă traiter. Mais de Gaulle jura ses grands dieux quâil ne dirait rien que le gouvernement de Vichy puisse mal interprĂ©ter. On lui accorda Ă la derniĂšre minute la permission de passer Ă lâantenne. De Gaulle prononça le discours dont il avait convenu avec Churchill, Ă ceci prĂšs quâil conclut par la promesse dâĂȘtre de retour sur les ondes dĂšs le lendemain. Churchill en tomba des nues. Mais une fois la promesse faite, on ne pouvait empĂȘcher de Gaulle de revenir ; il fallait tout faire pour encourager les Français au cours de cette pĂ©riode pour le moins difficile. Lors de lâĂ©mission suivante, de Gaulle fut bien plus audacieux. « Tous les officiers, soldats, marins, aviateurs français, oĂč quâils se trouvent, ont le devoir absolu de rĂ©sister Ă lâennemi⊠» Il alla mĂȘme jusquâĂ demander aux gĂ©nĂ©raux restĂ©s en France de dĂ©sobĂ©ir Ă lâenvahisseur. Ceux qui se joindraient Ă lui en Angleterre, disait-il, seraient citoyens dâune nation sans territoire appelĂ©e « la France libre », et soldats dâune nouvelle armĂ©e nommĂ©e « les Forces françaises libres », fer de lance dâune Ă©ventuelle armĂ©e de libĂ©ration du territoire français. Churchill, qui avait dâautres prĂ©occupations et qui pensait que de Gaulle nâavait guĂšre de public, ignora les imprudences du gĂ©nĂ©ral et lui permit de continuer de passer Ă lâantenne â pour finalement se rendre compte que chaque Ă©mission rendait la suivante plus indispensable encore. De manĆuvre en manĆuvre, de la reprise des territoires dâAfrique centrale mĂ©prisĂ©s par Churchill qui donna son aval, au parachutage de Jean Moulin dans le sud de la France, il passa de « gentil illuminĂ© » Ă leader dâune armĂ©e de RĂ©sistance et chef dâĂtat reconnu par les puissances mondiales.
La mise en garde : Si vous soupçonnez un adversaire dâagir Ă©tape par Ă©tape contre vous, la seule stratĂ©gie est de contrer vigoureusement tout progrĂšs pour ne pas vous retrouver devant un fait accompli. Une rĂ©action rapide et ferme suffit gĂ©nĂ©ralement Ă dĂ©courager lâadversaire, qui a probablement recours Ă cette stratĂ©gie parce quâil est faible et ne peut se permettre de combattre. Sâil est tenace et ambitieux, il est dâautant plus important de se montrer ferme. Il serait dangereux de le laisser progresser : mieux vaut lâĂ©touffer dans lâĆuf.
Loi 30 : PĂ©nĂ©trez les esprits â âLa stratĂ©gie de la communicationâ
Ce que Greene nous en dit : La communication est, en quelque sorte, une guerre dont les champs de bataille sont les esprits rĂ©sistants et impĂ©nĂ©trables de ceux et celles que vous cherchez Ă influencer. Votre but est de contourner, voire dâabattre leurs dĂ©fenses afin de prendre le contrĂŽle de leur esprit. Apprenez Ă infiltrer vos idĂ©es derriĂšre les lignes ennemies, Ă faire passer des messages subliminaux, Ă pousser les gens Ă penser comme vous sans quâils ne sâen rendent compte.
Ce quâon en retient :
Veillez Ă infiltrer vos idĂ©es derriĂšre les lignes ennemies et Ă manipuler lâesprit de votre adversaire de maniĂšre Ă lui suggĂ©rer ses actions futures. Lors du tournage du film Les 39 Marches, Hitchcock menotta lâun Ă lâautre les deux acteurs principaux pour les besoins dâune scĂšne, puis sâesquiva. LibĂ©rĂ©s aprĂšs plusieurs heures de cette intimitĂ© forcĂ©e, les deux acteurs firent preuve lors du tournage dâun naturel sans Ă©gal, car ils avaient rĂ©ellement vĂ©cu cette situation dâinconfort. Sans aller jusquâĂ ces extrĂ©mitĂ©s physiques, lorsque vous dĂ©sirez faire passer une idĂ©e importante, Ă©vitez les sermons interminables ; aidez plutĂŽt vos cibles Ă faire le lien entre les pointillĂ©s et Ă parvenir seuls Ă leurs propres conclusions. Faites en sorte quâils intĂ©riorisent la pensĂ©e que vous cherchez Ă communiquer, afin que la conclusion paraisse venir dâeux et non de vous. La communication indirecte a le pouvoir de sâinsinuer loin derriĂšre les dĂ©fenses de chacun : si vous voulez que lâun de vos proches change une mauvaise habitude, le plus efficace, au lieu dâessayer de le persuader quâil serait bon dâarrĂȘter, est de lui montrer, par exemple en imitant son mauvais comportement, Ă quel point cette habitude est dĂ©sagrĂ©able pour les autres. Si vous souhaitez aider une personne Ă prendre confiance en elle et Ă gagner en estime de soi, de simples fĂ©licitations nâauront quâun effet superficiel. Mieux vaut la pousser Ă accomplir quelque chose de tangible, afin quâelle fasse elle-mĂȘme lâexpĂ©rience de son propre succĂšs.
La mise en garde : En Ă©tablissant votre propre stratĂ©gie de communication, vous devez apprendre, parallĂšlement, Ă lire entre les lignes, Ă dĂ©coder les messages cachĂ©s et les signaux inconscients dissimulĂ©s dans le discours de ceux que vous cĂŽtoyez. Ainsi, lorsque certains parlent par gĂ©nĂ©ralitĂ©s et emploient beaucoup de termes abstraits comme « justice », « moralitĂ© » ou « libertĂ© », etc., sans jamais expliquer prĂ©cisĂ©ment le sujet dont il est question, ou se montrent miĂšvres, familiers, et vous assĂšnent des clichĂ©s et de lâargot Ă nâen plus pouvoir, ils essaient peut-ĂȘtre de vous distraire de la faiblesse de leurs idĂ©es, de vous sĂ©duire par leur sociabilitĂ© et leur sourire, et non de vous convaincre par des arguments solides. De mĂȘme, lorsque quelquâun emploie un langage prĂ©tentieux, fleuri, truffĂ© de mĂ©taphores Ă©laborĂ©es, câest souvent quâil prĂ©fĂšre sâĂ©couter parler quâatteindre vĂ©ritablement le public par une pensĂ©e profonde. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, prĂȘtez attention Ă la façon dont les gens sâexpriment, et ne vous laissez pas tromper par les apparences.
Loi 31 : DĂ©truisez de lâintĂ©rieur â âLa stratĂ©gie de la cinquiĂšme colonneâ
Ce que Greene nous en dit : En infiltrant les rangs de lâadversaire, vous Ćuvrez Ă sa perte de lâintĂ©rieur, il nâa aucune vraie cible Ă viser ; vous avez lâavantage ultime. Pour obtenir lâobjet de votre convoitise, ne combattez pas ceux qui le possĂšdent, mais joignez-vous Ă eux : vous pourrez alors vous approprier ce que vous briguez ou attendre le bon moment pour un coup dâĂtat.
Ce quâon en retient :
DĂ©truisez votre ennemi de lâintĂ©rieur, en identifiant ses faiblesses et en crĂ©ant le chaos dans ses rangs. NommĂ© chef du renÂseiÂgneÂment et du contre-esÂpionÂnage allemand par Hitler, Wilhelm Canaris Ćuvra en secret pour nuire Ă celui-ci en sabotant toutes les missions qui lui Ă©taient confiĂ©es. Ses manĆuvres de lâintĂ©rieur permirent de changer le cours de lâhistoire. Comme lui, lorsque vous voulez combattre ou dĂ©truire quelque chose, tentez de rĂ©primer tout dĂ©sir de clamer votre hostilitĂ©, mais manĆuvrez subtilement, en diffusant de fausses informations ou en encourageant lâennemi Ă lâautodestruction, en ayant lâair de rester de son cĂŽtĂ©, en vous introduisant en son cĆur : vous aurez ainsi lâoccasion de rassembler des informations primordiales sur les faiblesses quâil faut attaquer.
La mise en garde : Il y aura toujours, dans votre propre groupe, des mĂ©contents susceptibles de se retourner contre vous, de lâintĂ©rieur. La pire erreur serait dâĂȘtre paranoĂŻaque, de soupçonner tout le monde et dâessayer de surveiller les faits et gestes de chacun comme finirent par le faire la plupart des dictateurs. Votre seule vraie protection contre les conspirations et les sabotages est la satisfaction de vos hommes, dĂ©vouĂ©s Ă leur travail et unis autour dâune cause. Ils se surveilleront eux-mĂȘmes et excluront naturellement les dissidents qui tentent dâinstiller le trouble.
Loi 32 : Dominez tout en feignant la soumission â âLa stratĂ©gie de la rĂ©sistance passiveâ
Ce que Greene nous en dit : Dans un monde oĂč les considĂ©rations politiques sont primordiales, la forme dâagression la plus efficace est celle qui se cache derriĂšre des apparences dociles, voire aimantes. Pour appliquer la stratĂ©gie de la rĂ©sistance passive, il faut caresser lâadversaire dans le sens du poil, nâoffrir aucune rĂ©sistance visible. Dans les faits, vous dominez la situation. Ne vous inquiĂ©tez pas, assurez-vous simplement que votre rĂ©sistance soit suffisamment masquĂ©e pour que vous puissiez aisĂ©ment la nier.
Ce quâon en retient :
DĂ©sarmez votre adversaire en adoptant un comÂporÂteÂment inoffensif et en suscitant chez lui un sentiment de culpabilitĂ©. Ce fut la principale stratĂ©gie de Ghandi, notamment avec la Marche pour le Sel, manifestation religieuse et supposĂ©e dâimportance secondaire par les Britanniques avant quâil soit trop tard pour lâarrĂȘter sans passer pour des monstres, pour avoir sous-estimĂ© son retentissement mĂ©diatique et politique.
La mise en garde : LâopposĂ© de la rĂ©sistance passive est la passivitĂ© agressive : vous prĂ©sentez une apparence hostile tout en restant intĂ©rieurement calme et immobile. Cette stratĂ©gie nâa toutefois quâun but dâintimidation : vous savez que vous ĂȘtes plus faible que votre adversaire et tentez de le dĂ©courager en prĂ©sentant une façade impressionnante.
Loi 33 : Semez incertitude et panique par des actes de terreur â âLa stratĂ©gie de la rĂ©action en chaĂźneâ
Ce que Greene nous en dit : La terreur est lâultime moyen de paralyser les personnes qui vous rĂ©sistent et de dĂ©truire leur capacitĂ© Ă planifier une stratĂ©gie. Le but dâune campagne de terreur nâest pas de gagner une victoire sur le champ de bataille, mais de provoquer un maximum de chaos afin que lâadversaire, poussĂ© au dĂ©sespoir, rĂ©agisse de façon absurde. La victime dâune stratĂ©gie de la terreur doit tout faire pour Ă©viter de succomber Ă la peur et Ă la colĂšre. Face Ă une campagne de terreur, votre ligne de dĂ©fense sera donc celle de la rationalitĂ©.
Ce quâon en retient :
CrĂ©er un climat de menace permanent et semer la terreur empĂȘche votre ennemi dâagir. Pendant la RĂ©volution française, durant le rĂšgne de la Terreur, le groupe politique des Montagnards suscita lâeffroi parmi les citoyens du pays Ă coup dâexactions et de massacres. AccusĂ©es de contre-rĂ©volution, des milliers de personnes furent envoyĂ©es Ă la guillotine. Nul ne savait qui serait le suivant. MĂȘme si les Montagnards Ă©taient relativement peu nombreux, le sentiment dâincertitude et de panique quâils rĂ©ussirent Ă susciter paralysa toute volontĂ© chez leurs adversaires. Les Mongols maĂźtrisaient Ă©galement cet art Ă merveille. Ils rasaient quelques villes ici ou lĂ , avec une barbarie sans nom. La lĂ©gende terrifiante de la horde mongole se rĂ©pandait rapidement, et dans la majoritĂ© des cas, la citĂ© se rendait sans mĂȘme se battre, ce qui Ă©tait le but des Mongols depuis le dĂ©but.
La mise en garde : LâopposĂ© du terrorisme serait une guerre directe et symĂ©trique, un retour aux origines de la guerre, oĂč il sâagirait de se battre face Ă face, avec honnĂȘtetĂ©, lâaffrontement dâune force brute contre une autre. Câest un mode de combat archaĂŻque et une stratĂ©gie totalement inutile aujourdâhui.