Au sortir de la période difficile que nous traversons depuis plusieurs mois, les cabinets dentaires ne font pas exception à la règle : le confinement et les nouvelles règles sanitaires ont pu mettre en difficulté de nombreux cabinets, qui vont devoir faire face aux retombées financières en devant, peut-être, se séparer d’une partie de leur personnel. Alternative amiable au licenciement et à la démission, la rupture conventionnelle du contrat de travail est le compromis permettant de fin à une collaboration avec vos salariés en CDI (standardistes, assistant(e)s dentaires, postes administratifs ou d’accueil…) sans procédures trop lourdes et en limitant les risques de désaccord. Elle permet de simplifier le départ du salarié, qui percevra une indemnité et sera éligible aux prestations Pôle-emploi au contraire de la démission. Si elle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties, elle se négocie à deux, dans le cadre toutefois de certaines règles fixées par le Code du travail.
La procédure
Phase 1 : le ou les entretiens
Il est indispensable de procéder à au moins un entretien visant à définir les modalités de la rupture, notamment sa date de prise d’effet et le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui sera versée au salarié. Ce dernier, comme pour l’entretien préalable au licenciement, a la possibilité de se faire assister lors de ces discussions (représentant syndical, conseil juridique…). Il doit en informer l’employeur préalablement à l’entretien. Lorsque les deux parties tombent d’accord, la convention de rupture peut être formalisée et signée.
Phase 2 : la convention
La convention doit contenir :
– Identification des parties (nom, adresse, Siret pour l’employeur, nom, date et lieu de naissance, adresse pour le salariĂ©).
-Un rappel de la situation du salarié au sein du cabinet (date d’embauche, position, ancienneté…) et de son statut, la procédure pour les salariés protégés étant légèrement différente comme nous le préciserons plus loin.
– Un rĂ©capitulatif du ou des entretiens qui se sont dĂ©roulĂ©s prĂ©alablement Ă la signature, avec dates et identitĂ© des personnes prĂ©sentes, et rappel de l’information du salariĂ© sur ses droits.
– La date envisagĂ©e de prise d’effet de la rupture tenant compte des accords convenus et des dĂ©lais d’homologation de la convention par l’organisme concernĂ© sur lesquels nous reviendrons plus loin.
– Le montant de l’indemnitĂ© conventionnelle dĂ©cidĂ©.
– Les Ă©ventuelles clauses qui seront maintenues après la rupture du contrat (confidentialitĂ©, non-concurrence…) ou qui prendront effet Ă la date de la rupture (restitution de vĂ©hicule, de logement ou de tĂ©lĂ©phone de fonction par exemple).
Elle doit bien évidemment être datée et signée par les deux parties, et réalisée en trois exemplaires originaux dont deux seront conservés par chacun des signataires et un joint à la demande d’homologation.
Phase 3 : l’homologation
Les parties disposent d’un dĂ©lai de rĂ©tractation de quinze jours calendaires Ă compter de la date de signature de la convention. Lorsque le dernier jour du dĂ©lai tombe un samedi, un dimanche ou un jour fĂ©riĂ© ou chĂ´mĂ©, il est prolongĂ© jusqu’au premier jour ouvrable suivant. Un simulateur sur le site du service public permet de dĂ©terminer la date de fin du dĂ©lai de rĂ©tractation.
À l’issue de ce délai de rétractation, une demande d’homologation accompagnée d’un exemplaire de la convention doit être adressée à la Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi (DIRECCTE) :
-soit directement en ligne sur le site du service public
-soit en remplissant et en retournant par courrier le formulaire Cerfa 14598
L’administration dispose alors de quinze jours pour accepter ou refuser l’homologation, cette dernière possibilité pouvant faire suite au non-respect de la procédure, à l’impossibilité de s’assurer du consentement éclairé des deux parties ou à un calcul erroné de l’indemnité ou de la date de prise d’effet de la rupture par exemple. Sans réponse dans ce délai, l’homologation est réputée acceptée, et le contrat de travail rompu.
Les modalités
Indemnités
L’indemnitĂ© perçue par le salariĂ© ne peut pas ĂŞtre infĂ©rieure aux montants suivants pour toute rupture conventionnelle signĂ© après le 24 Septembre 2017 :
– 1/4 de mois de salaire par annĂ©e d’anciennetĂ© pour les 10 premières annĂ©es ;
– 1/3 de mois de salaire par annĂ©e d’anciennetĂ© Ă partir de la 11ème annĂ©e.
L’indemnité spéciale de rupture conventionnelle ne peut en outre être inférieure à l’indemnité de licenciement ou aux montants prévus par la convention collective. Ainsi c’est le calcul le plus avantageux pour le salarié qui sera retenu. Là encore, un simulateur sur le site du service public permet d’estimer son montant au cas par cas.
Il est en revanche bien évidemment possible pour l’employeur d’accorder une indemnité supérieure à ces montants.
DĂ©lais
On l’a vu, la date de prise d’effet de la rupture doit être mentionnée dans la convention. Elle doit tenir compte du délai de rétractation de quinze jours calendaires, et ne peut être antérieure au lendemain de l’homologation, soit un délai de quinze jours supplémentaires. Elle peut toutefois prévoir un préavis supérieur à ces délais et une rupture postérieure à l’homologation. Le site du service public propose là aussi un simulateur permettant d’estimer la date de prise d’effet de la rupture la plus proche.
Ces calculs sont importants pour les départs à court terme, car une mauvaise estimation peut entraîner le rejet de la demande et la nullité de la procédure.
Obligations
À la prise d’effet de la rupture conventionnelle, l’employeur doit remettre à son salarié, comme pour un licenciement, les documents Pôle-emploi lui permettant de solliciter des prestations chômage, le solde tout compte incluant l’indemnité spécifique et le certificat de travail.
Toute contestation relative à la convention, à sa régularisation, à son homologation ou aux conditions spécifiques doit être portée devant le Conseil de Prud’hommes compétent dans un délai de douze mois à compter de sa signature.
Le cas particulier des salariés protégés
Pour les salariés protégés (représentants syndicaux, conseillers prud’hommaux, administrateurs de caisses d’assurance maladie…), si la rupture conventionnelle reste possible et que la procédure est sensiblement la même, il existe toutefois deux différences notables :
– Ă l’issue du dĂ©lai de rĂ©tractation de quinze jours, il ne sera pas procĂ©dĂ© Ă une simple demande d’homologation auprès de la DIRRECTE mais Ă une demande d’autorisation par l’Inspection du travail, en remplissant et en retournant le formulaire Cerfa 14599.
– Ă la diffĂ©rence de la DIRRECTE, l’Inspecteur du travail dispose de deux mois et non de quinze jours pour rendre sa dĂ©cision, ce dont il doit ĂŞtre tenu compte dans le calcul de la date de prise d’effet de la rupture.
Cas d’interdiction de la rupture conventionnelle
Le site du service public précise que la rupture conventionnelle individuelle est interdite dans les cas suivants :
– Elle est conclue dans des conditions frauduleuses ou en l’absence d’accord conclu entre le salariĂ© et l’employeur,
– Elle est proposĂ©e dans le cadre d’un accord collectif de gestion prĂ©visionnelle des emplois et des compĂ©tences (GPEC) ou d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ou d’un accord collectif portant rupture conventionnelle collective
– La procĂ©dure de rupture conventionnelle vise Ă contourner les garanties prĂ©vues pour le salariĂ© en matière de licenciement Ă©conomique.
La rupture conventionnelle peut ĂŞtre annulĂ©e par le Conseil de prud’hommes si le salariĂ© Ă©tablit qu’elle a Ă©tĂ© signĂ©e alors que son consentement n’Ă©tait pas libre, par exemple dans un contexte de harcèlement moral, ou si l’employeur a exercĂ© des pressions pour inciter le salariĂ© Ă choisir une rupture conventionnelle. Le salariĂ© peut alors percevoir des indemnitĂ©s prĂ©vues en cas de licenciement injustifiĂ© (sans cause rĂ©elle et sĂ©rieuse).
Quid des CDD ?
La rupture conventionnelle du contrat de travail est réservée exclusivement aux contrats à durée indéterminée. Toutefois, il est possible de procéder à la rupture anticipée amiable d’un CDD, rupture qui doit faire l’objet d’un écrit et respecter les obligations légales afférentes au contrat (prime de précarité notamment). Ce type de rupture ne nécessité pas d’homologation.